vendredi 23 novembre 2012

Le pétrole et nous 1

Tout d’abord, il faut comprendre qu’il existe deux références lorsque l’on parle du prix du pétrole brut : le WTI et le BRENT. Le WTI (West Texas Intermediate) réfère d’abord au marché américain tandis que le BRENT (acronyme de Broom, Rannock, Etive, Ness et Tarbert, champs pétrolifères dans la Mer du Nord) est un pétrole plus international.

Il s’agit de deux pétroles de bonne qualité, bien que celle du WTI soit légèrement supérieure à celle du BRENT (respectivement 0,24% et 0,37% de sulfure). Historiquement, le prix du BRENT suivait de très près le prix du WTI. En fait, le prix du BRENT était légèrement inférieur à celui du WTI, étant donné sa qualité moindre, mais rien de très important (1,39$ d’écart en moyenne de 1987 à 2010). Ainsi, la distinction entre les deux n’était pas vraiment pertinente et le prix du WTI, négocié à New York, était considéré comme le « vrai » prix du pétrole.



Or depuis le début de 2011, ce n’est plus le cas. Le prix du BRENT a dépassé le prix du WTI, est de loin.



Cet écart, de 16$ en moyenne entre janvier 2011 et octobre 2012 a même atteint plus de 27$ en septembre 2011.



Pourquoi? Principalement deux raisons. L’une poussant le prix du BRENT à la hausse, et l’autre poussant le prix du WTI à la baisse.

Premièrement, la principale raison poussant le prix du BRENT à la hausse: le printemps arabe. Les tensions découlant du printemps arabe ont déstabilisé la production de pétrole du Maghreb et partiellement interrompu les livraisons à l’Europe. Celle-ci s’est alors tournée vers le pétrole de la Mer du Nord, déclenchant une hausse du prix du BRENT. Il y a aussi eu de la spéculation quant aux possibles implications de la fermeture du Canal de Suez et les sanctions face à l’Iran.

Ensuite, la principale raison poussant les prix du WTI à la baisse : le syndrome de Cushing. Cushing est une petite ville en Oklahoma où convergent la plupart des oléoducs. Un genre de « hub » pétrolier. Le problème, c’est que dû à un ralentissement de la consommation américaine et devant l’impossibilité d’arrêter le flux dans les oléoducs, il y a une accumulation importante des stocks de pétrole dans ce « hub ». En présence de surplus, la capacité de stockage étant atteinte, le prix chute.

C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’Enbridge a renversé, en juin 2012, le flot de l’oléoduc Seaway, afin de maintenant transporter le pétrole de Cushing vers les ports du Golfe du Mexique plutôt que l’inverse. C’est toujours dans ce contexte qu’Enbridge veut inverser le flux de son oléoduc 9 entre Sarnia et Montréal. Et c’est encore dans ce contexte que TransCanada veut construire son oléoduc Keystone XL permettant d’acheminer le pétrole de l’Alberta jusqu’au Golfe du Mexique (en contournant bien sûr Cushing).

Et il y a une autre chose qu’il faut savoir. En 1961, sous Diefenbaker, il a été décidé qu’une ligne entre le Québec et l’Ontario séparerait le Canada en deux, la ligne Borden. Du côté ouest, les raffineries seraient approvisionnées par le pétrole de l’ouest et des États-Unis (donc le WTI), tandis que du côté est, elles seraient approvisionnées par le pétrole d’outre-mer (le BRENT).

Ainsi, au Québec spécifiquement, c’est le cours du BRENT qui influence le prix à la pompe (le prix du pétrole brut contribuant de façon importante au prix de l’essence). Pendant des décennies, cela n’a pas causé problème.

Mais voilà que depuis 2011, le prix du BRENT est en moyenne 16$ plus élevé que le WTI. Une différence d’environ 10¢ le litre. On se serait attendu à ce que les pétrolières refilent cette hausse aux consommateurs. Or, que s’est-il produit? Les pétrolières ont effectivement refilé cette hausse aux consommateurs... mais à ceux de l'ouest, diminuant au passage leur marge au Québec et dans les provinces Atlantiques!

J’y reviendrai dans mon prochain billet.