vendredi 31 mai 2013

La tragédie grecque

Rapidement, deux graphiques pour illuster l'ampleur des crises grecque et espagnole.



Un taux de chômage de 27,5% en Espagne, et 31,0% en Grèce!

Contre 7,2% au Canada. Si ce taux avait été le même qu'en Grèce, il n'y aurait pas 1,4 million de chômeurs au Canada, mais bien 6 millions!

Notez aussi qu'au cours de la Grande Dépression, dans les années 30, on estime que le taux de chômage aux États-Unis n'a jamais dépassé 25%.

Et comment les jeunes s'en sortent-ils? Voici le même graphique, mais pour les moins de 25 ans:


Taux de chômage chez les jeunes de 40,6% en Italie. 54,4% en Espagne. 74,4% en Grèce.

Ces chiffres se passent de commentaires.

mardi 29 janvier 2013

Les "riches" et le reste

Suite à la diffusion de nouvelles données de Statistique Canada, dont je parlais hier, un petit graphique montrant l'évolution du revenu du marché (c'est-à-dire avant les transferts gouvernementaux et avant les impôts) entre 1982 et 2010, au Québec, par groupe de revenu.

Je rappelle qu'au Québec, en 2010:
- le groupe du "90% le plus pauvre" (jusqu'à 69 000$) représentait 5 558 015 déclarants;
- le groupe du "90 à 95%" (de 69 001$ à 89 000$) représentait 308 795 déclarants;
- le groupe du "95 à 99%" (de 89 001$ à 166 700$) représentait 247 025 déclarants;
- le groupe du "1% le plus riche" (166 701$ et plus) représentait 61 760 déclarants.





Et maintenant, l'équivalent pour le revenu après impôt:




À vous de commenter!

lundi 28 janvier 2013

Le 1% québécois

Statistique Canada a rendu public aujourd’hui de nouveaux chiffres que je qualifierais de passionnants! Ces chiffres décrivent les tendances du revenu chez les contribuables au Canada. Ces nouveaux tableaux sont tellement riches que je pense facilement à une dizaine d'angles différents pour commenter ces données. En fait, c’est tellement gros que je ne sais pas par quel bout prendre ça.

Il est en effet possible d’analyser ces chiffres sous un angle géographique (par province ou par région métropolitaine), sous un angle démographique (par sexe, par âge, par état civil), sous l’angle du type de revenu (revenu du marché, revenu total, revenu après impôt), sous l’angle de la source des revenus, des impôts payés, de la mobilité sociale, etc.

Mais surtout, il est possible d’analyser ces chiffres sous l’angle du groupe de revenu. Notamment, du fameux « 1% le plus riche » versus les « 99% les plus pauvres ». Ou encore du 0,1% le plus riche, et même du 0,01% le plus riche.

Malheureusement, je n’ai pas tellement le temps pour l’instant, alors je vais m’en tenir à quelques faits saillants, principalement pour le Québec :
  • En 2010, il faillait déclarer un revenu d'au moins 168 600 $ pour faire partie du 1% (contre 201 400 $ pour l’ensemble du Canada). Par ailleurs, le revenu moyen de ce groupe était de 329 300$ (429 600$ pour l'ensemble du Canada);
  • 77% étaient des hommes;
  • L’âge médian était de 52 ans;
  • Le 1% a absorbé 9,1% des revenus totaux et a payé 18,5% de l’impôt;
  • Le taux d’imposition moyen de ce 1% était de 34,8%.

Ces chiffres prennent leur sens si on les compare à ceux relatifs aux « 99% les plus pauvres »:
  • Le revenu moyen des 99% était de 33 400 $, soit 9,9 fois moins que celui du 1%;
  • 48% étaient des hommes;
  • L'âge médian était de 47 ans;
  • Les 99% ont absorbé 90,9% des revenus totaux et a payé 81,5% de l'impôt;
  • Le taux d'imposition moyen de ces 99% était de 15,3%.

Qu’en est-il de l’évolution dans le temps?
  • En 1982, le revenu des 99% était 6,6 fois inférieur à celui du 1%, contre 9,9 fois en 2010;
  • Entre 1982 et 2010, la part des revenus totaux absorbée par le 1% est passée de 6,2% à 9,1%;
  • Mais la part des impôts payée par ce groupe a aussi augmenté, de 11,6% à 18,5%;
  • Le taux d’imposition moyen du 1% est passé de 38,1% à 34,8%;
  • Pendant ce temps, le taux d'imposition moyen pour les 99% est passé de 19% à 15,3%;
  • Pour chaque dollar que les 99% payaient en impôts en 1982, le 1% en payait 13. En 2010, pour chaque dollar que les 99% payaient en impôts, le 1% en payait 22.

On pourrait arguer que l'état ne va pas assez loin dans sa redistribution, mais son effet est bel et bien réel. En 2010:
  • Au niveau du revenu du marché, le 1% avait un revenu moyen 11,8 fois supérieur à celui des 99%;
  • Au niveau du revenu total, c'est-à-dire après les les transferts gouvernementaux et les crédits d'impôt remboursables, ce ratio diminuait à 9,9;
  • Et au niveau du revenu après impôts (fédéral et provincial), ce ratio passait à 7,7.

Et 1982, l'action du gouvernement était moins déterminante:
  • Au niveau du revenu du marché, le 1% avait un revenu moyen 7,2 fois supérieur à celui des 99%;
  • Au niveau du revenu total, ce ratio passait à 6,6;
  • Et au niveau du revenu après impôts (fédéral et provincial), ce ratio était de 5,2.


Dans l'ensemble, après un coup d'oeil très sommaire, tout ça semble plutôt complexe. D'une part, on le voit, les inégalités se sont creusées. Mais d'autre part, l'imposition, tout en diminuant pour tout le monde, est devenue plus « agressive » pour le 1% (par rapport aux 99%).

Bref, je crois qu'on n'a pas fini d'entendre parler de ces nouvelles données de Statistique Canada. Et tant mieux si cela permet d'éclairer le débat.


Rapidement, pour terminer, si cela vous intéresse. En 2010:
  • Pour faire partie des 6 180 déclarants québécois du 0,1% le plus riche, il fallait un revenu total d'au moins 516 700$. Par ailleurs, la moyenne était de 1 016 200$. Récoltant 2,8% des revenus totaux, les membres de ce groupe ont payé 6,0% de l'impôt;
  • Et pour faire partie des 620 déclarants québécois du 0,01% le plus riche, il fallait un revenu total d'au moins 1 723 200$. La moyenne était de 3 083 400$. Récoltant 0,9% des revenus totaux, les membres de ce groupe ont payé 1,8% de l'impôt.

vendredi 25 janvier 2013

Et les taxes à la consommation?

Dans mon dernier billet, j’ai présenté des définitions générales de ce qu’est une taxation progressive, neutre ou régressive. En gros, une taxe sera qualifiée de progressive si le poids de celle-ci augmente plus rapidement que le revenu. Dans le cas opposé, la taxe sera qualifiée de régressive. Et dans le cas où le poids de la taxe est proportionnel au revenu, elle sera qualifiée de neutre.

Pour les impôts sur le revenu, ça semble clair. Mais ce n’est pas le seul type de taxation qui existe. En effet, il y en a d’autres et on pense vite aux taxes à la consommation (TPS et TVQ).

Comment devrait-on qualifier ces taxes?

J’ai souvent entendu des gens décrire ces taxes comme étant régressives, parce que ce n’était pas « juste » que le taux soit le même pour tous, riches comme pauvres.

D’abord, je rappelle que les termes « progressif », « neutre » et « régressif » ne comportent pas de jugement de valeur; les termes « juste » et « injuste » ne devraient servir de substituts aux termes « progressif » et « régressif ».

À la base, les taxes à la consommation pèsent plus lourd sur les revenus des personnes à faible revenu que sur ceux des personnes disposant d’un revenu élevé. La logique est que comme elles épargnent davantage, les personnes disposant d’un revenu élevé consomment généralement une part plus faible de leur revenu, de sorte que le montant payé en taxes à la consommation en proportion du revenu est aussi plus faible. D’où l’idée d’une taxation régressive.

Et cette régressivité serait bien réelle sans l’existence de ces deux mesures : les crédits d’impôt remboursables pour TPS/TVQ et l’exemption de certains produits de consommation. Mais en tenant compte de ces deux mesures, les taxes à la consommation, autrement régressives, deviennent… progressives!

C’est ce qui ressort de l'exercice auquel Luc Godbout et Suzie St-Cerny se sont livrés dans leur étude s'intitulant « La perception du caractère régressif des taxes à la consommation au Québec est-elle fondée? », disponible ici.

Par rapport aux crédits d’impôt remboursables pour TPS/TVQ, l’idée est simple. On offre un remboursement aux personnes dont le revenu se situe en-deçà d’un certain seuil. Ce remboursement, dont le montant varie selon la structure de la famille, diminue à mesure que le revenu augmente. Ainsi, cette mesure compense partiellement ou totalement les montants payés en TPS/TVQ, rendant ainsi la taxe plus progressive.

Quant aux exemptions de TPS/TVQ pour certains produits de consommation, l’idée est la suivante : certains biens et services (dont la nourriture et le logement) représentent une part plus importante des dépenses chez les ménages à faible revenu que chez les autres ménages. D’exempter ces biens et services de TPS/TVQ permet une fois de plus de réduire le poids de ces taxes pour personnes à faible revenu et de rendre les taxes plus progressives.

Ces deux mesures n’ont toutefois pas le même impact. En effet, les résultats montrent que c’est surtout grâce aux crédits d’impôt remboursables pour TPS/TVQ que l’on obtient une progressivité des taxes à la consommation. Les exemptions de TPS/TVQ, pour leur part, jouent un rôle moins important. Et par ailleurs, ces exemptions coûtent plus cher aux gouvernements que les remboursements.

Sans entrer davantage dans les détails, ce qu'il faut retenir de l'étude, c’est que « il est faux d’affirmer que les ménages à plus faibles revenus consacrent une part plus importante de leur revenu en taxes que les familles ayant des revenus plus élevés. En effet, les mesures compensatoires éliminent la régressivité inhérente aux taxes à la consommation ».

vendredi 18 janvier 2013

La progressivité de la contribution-santé

Avec l’année 2013 qui débute, les contribuables québécois sont maintenant soumis à la nouvelle « contribution-santé progressive » du nouveau gouvernement péquiste, remplaçant la « contribution-santé » de l’ancien gouvernement libéral. J’en profite alors pour revenir sur le sujet.

Il n’y a pas de doutes que la contribution-santé, telle qu’elle existait jusqu’en 2012, était une taxe régressive. En effet, le montant à payer était le même pour tous les contribuables, indépendamment de leur revenu (sauf ceux ayant un très faible revenu, qui en étaient exemptés). Assumer une taxe de 200$ lorsque l’on a un revenu de 20 000$ n’est pas la même chose qu’assumer une taxe de 200$ lorsque l’on a un revenu de 200 000$. Cela a été dit et redit.

Après une réflexion plutôt tortueuse sur la place publique, le nouveau gouvernement du Parti Québécois a choisi de conserver cette contribution-santé et de la rendre progressive.

Mais l’est-elle vraiment devenue?

Avant d’aller plus loin, quelques définitions :
- Une taxe est dite progressive si le taux moyen de la taxe augmente lorsque le revenu augmente. Ou dit autrement, si la taxe, en pourcentage du revenu, augmente à mesure que le revenu augmente;
- Une taxe est dite régressive si le taux moyen décroît lorsque le revenu augmente. C’est-à-dire si la taxe, en pourcentage du revenu, diminue à mesure que le revenu augmente;
- Et une taxe est dite neutre si le taux moyen de la taxe est le même peu importe le revenu.

Le terme régressif ne comporte pas de jugement de valeur; on utilise parfois le terme dégressif.

Graphiquement, voici ce que ça donne.



Ainsi, lorsque l’on regarde sous cet angle la contribution-santé 2012, dont le montant était de 200$ pour presque tous les contribuables, on voit qu’il s’agit clairement d’une taxe régressive:



Mais la contribution-santé 2013, que le nouveau gouvernement qualifie de progressive, l'est-elle vraiment? D’une part, il est vrai que les contribuables les plus riches paieront plus, en dollars, que ceux de la classe moyenne.



Mais cela ne suffit pas à rendre une taxe progressive; ce qui compte vraiment, c'est le poids de cette taxe en proportion du revenu. Et sous cet angle, cette nouvelle contribution-santé est parfois progressive, parfois régressive. En fait, sauf entre quelques fourchettes de revenus (entre 18K et 20K, entre 40K et 42K et entre 130K et 150K) où la contribution-santé a un caractère progressif, cette dernière est généralement régressive.



On a simplement modifié le problème. En 2012, on disait que ça n’avait pas de sens qu’un contribuable avec un revenu de 20K paie le même montant qu’un contribuable avec un revenu de 200K. Et c’était vrai. Mais ça n’a pas plus de sens, en 2013, qu’un contribuable avec un revenu de 50K paie le même montant qu’un contribuable avec un revenu de 130K. Comme ça n’a pas de sens qu’un contribuable avec un revenu de 150K paie le même montant qu’un contribuable avec un revenu de 500K.

Seule une augmentation constante et continue de la contribution-santé, plutôt que par palier, aurait permis une taxation vraiment progressive. Disons que les modifications apportées par le gouvernement péquiste représentent un pas dans la bonne direction, mais ne vont peut-être pas assez loin pour être qualifiées de progressives.


Ma solution, si cela vous intéresse?

Au lieu d’avoir complexifié davantage notre régime fiscal pour créer un impôt progressif/régressif, pourquoi ne pas simplement avoir intégré la contribution-santé au régime d’impôt sur le revenu des particuliers, qui lui est clairement progressif? Pour ceux qui mettent en doute la progressivité de l'impôt sur le revenu au Québec, voici les taux marginal et moyen de ce dernier, selon le revenu imposable:



Avec la contribution-santé version 2013, on cherche à amasser 693 millions de dollars. Il aurait suffit d'augmenter très légèrement (d'en moyenne 0,6 point de pourcentage) les taux d'imposition sur les particuliers pour aller chercher ces mêmes 693 millions de dollars. La progressivité en plus! D'ailleurs, à vous d'en juger. Voici les montants, en proportion du revenu imposable, à aller chercher pour obtenir ces 693 millions en 2013, soit via un impôt sur le revenu majoré ou via la contribution-santé progressive/régressive:



Et voici les montants, en dollars, qu'impliquent ces deux méthodes:



À vous d'en juger.