samedi 29 septembre 2012

Taux d'imposition aux États-Unis


Certains ont cru à une erreur de ma part lorsque je référais à un taux marginal d’imposition de 70% aux États-Unis dans les années 70. Mais ce n’était pas une erreur.

Dans un pays où l’on semble faire preuve d’une certaine indulgence fiscale à l'égard des riches, il est difficile de croire que jusqu’au début des années 80, la fiscalité américaine était plutôt « agressive » envers ceux-ci. C’était pourtant le cas.

Voici l’évolution du taux marginal maximal du gouvernement fédéral américain:



Le graphique commence en 1950. Avant 1950, à cause des deux guerres et de la grande dépression, le taux marginal maximal était plutôt volatile : de 7% à 77%, puis à 25%, puis à 94%.

Pendant 18 ans, sous Truman (démocrate), Eisenhower (républicain) et Kennedy (démocrate), le plus haut taux d’imposition s’est maintenu à 91% (sauf deux années à 92%). Oui, 91%! Même les républicains d'Eisenhower, au cours de leurs deux mandats, n'ont pas cru nécessaire de changer cela.

C’est en 1964, sous les démocrates, que ce taux est réduit à 70%. Il y restera pendant 17 ans, sous Nixon (républicain), Ford (républicain) et Carter (démocrate).

Puis arriva Reagan (un républicain, redéfinissant au passage le terme) : le plus haut taux d’imposition marginal passa de 70% à 28%. Ce taux est ensuite remonté, mais n’a jamais dépassé les 40%.

À partir de 2012, la ligne se sépare en deux. Vous comprendrez qu’il s’agit des intentions du vainqueur de la prochaine élection présidentielle américaine.

Pour être juste, voici à partir de quel revenu (en dollars de 2011) ce taux s’appliquait. En diminution quasi-constante, pour finalement se stabiliser, en 1993, un peu en-deçà de 400 000$:




La baisse de plus haut taux marginal d’imposition s’est également accompagnée d’une baisse du nombre de paliers d’imposition. De plus de vingt jusqu’en 1978, jusqu’à seulement deux à la fin du 2e mandat de Reagan. Ce nombre est depuis remonté à six.

Voici les taux marginal et moyen d’imposition du gouvernement fédéral américain en 1976. Pourquoi 1976? Parce qu'il fallait choisir une année, alors 1976: la fin d’un règne républicain (à l’époque où ce parti était fréquentable) et juste après les Trente Glorieuses.



Le 25e et dernier palier d’imposition, dont le taux marginal était de 70%, était atteint avec un revenu de 788 681$ (en dollars de 2011). Quant au taux moyen d’imposition, on voit que les riches pouvaient réellement payer plus que 50% d’impôt.

Voici maintenant les mêmes taux pour 1976, superposés à ceux de 2011.



Trois constats : il y a en 2011 beaucoup moins de paliers d'imposition qu’en 1976. On atteint le dernier palier beaucoup plus rapidement. Et tous ces paliers sont imposés à des taux beaucoup plus faibles. Forcément, le taux moyen est aussi beaucoup plus bas en 2011 que 35 ans plus tôt.

En passant, à tous ces taux, il faut ajouter les impôts des états, bien que celui-ci soient moins importants que les impôts provinciaux au Canada, a fortiori ceux du Québec.





jeudi 27 septembre 2012

Taux d'imposition marginal et moyen


Dans mon billet d’hier, j’ai souligné l’importance de différencier taux marginal d’imposition et taux moyen d’imposition. Cette différence est capitale afin de comprendre qui paie combien d’impôt.

Tout d’abord, le taux marginal d’imposition est le taux d'imposition appliqué au dernier dollar de revenu. Si mon taux marginal est de 50%, ça veut simplement dire que mon ou mes derniers dollars sont imposés à 50%. Mais pas nécessairement les premiers dollars, ni ceux du milieu, l'impôt sur le revenu étant progressif.

Le taux moyen d’imposition est simplement le ratio de l’impôt total sur le revenu total.

Par exemple, au Québec, au niveau provincial, le taux marginal pour un revenu de 50 000$ est de 20%.
Toutefois, de 0$ à 13 656$, le taux est de 0% et ce, pour absolument tout le monde.
Ensuite, de 13 657$ à 40 100$, le taux d’imposition est de 16%.
Et finalement, de 40 101$ à 50 000$, le taux d’imposition est 20%.
Ainsi (avant les déductions fiscales et les crédits d’impôt) l’impôt provincial sur ce revenu de 50 000$ sera de 6211$, soit environ 12% du revenu.

Ainsi, on a ici un contribuable dont le taux marginal d’imposition est de 20%, mais dont le taux moyen d’imposition est de 12%.

Mathématiquement, le taux moyen sera toujours inférieur au taux marginal.

Visuellement, ça donne ceci :



Alors, on voit bien en bleu les quatre paliers de l'impôt sur le revenu du Québec:
0% pour les revenus de 13 656$ et moins;
16% pour les revenus de 13 657$ à 40 100$;
20% pour les revenus de 40 101$ à 80 200$;
24% pour les revenus de 80 201$ et plus.

Et en rouge, c'est le taux moyen selon le revenu.
10% vers 32 000$;
15% vers 70 000$;
17,5% vers 100 000$;
20% vers 165 000$.

Il faut noter que ce taux moyen est à la limite supérieure de ce qu'il peut être. En effet, toute déduction fiscale (cotisations à un REER, à un RPA) ou tout crédit d’impôt (montant pour enfant à charge, pour le transport en commun) permet de réduire l’impôt à payer, donc le taux moyen.

Mais, comme on ne paie pas de l'impôt qu'au gouvernement du Québec, voici maintenant le même graphique, en tenant compte de l'impôt fédéral (et bien sûr de l'abattement fédéral au Québec):



Lorsqu’on demande à un Québécois quel pourcentage de son revenu part en impôt, spontanément, il répond généralement 50%. C'est d'abord mathématiquement impossible. Et les mathématiques ayant toujours raison: absolument personne au Canada, ni même nos milliardaires, ne paie 50% en impôt.

En effet, la réalité est que tout revenu de mois de 80 000$ implique un taux d'imposition moyen de moins de 30%. Un contribuable gagnant 135 000$, même si son taux marginal fédéral-provincial est de 48,2%, a un taux moyen d'imposition de 36%.

Alors, pourquoi les gens ont-t-ils l'impression de payer plus d'impôt qu'en réalité? Entre autres parce qu'ils ne font pas la différence entre le taux marginal d’imposition et le taux moyen d’imposition. Les gens restent accroché au chiffre du taux marginal, alors que ce chiffre n'a qu'une importance secondaire.

Et cela démontre aussi que les gens accordent bien peu d'importance aux informations contenues dans leurs déclarations de revenus.


mercredi 26 septembre 2012

L'impôt des riches

Dans La Presse d'aujourd'hui (le 26 septembre 2012), André Pratte écrivait : « Les Québécois plus fortunés conviennent qu'ils doivent payer plus que leur part. Ils le font déjà de bonne grâce: ceux qui gagnent 100 000$ et plus, représentant 4% des contribuables, paient 33% des impôts prélevés par Québec. Toutefois, il y a une limite à ne pas franchir. »

Je cite Pratte, mais j’ai dû lire cette phrase au moins une dizaine de fois au cours des derniers jours.

Ces chiffres proviennent de la publication gouvernementale « Statistique fiscales des particuliers », qui présente diverses compilations tirées des déclarations de revenus des contribuables québécois. La dernière version est celle de l’année d’imposition 2009. Les voici :


Alors, pour commencer, les chiffres cités par Pratte sont rigoureusement exacts. Les contribuables dont le revenu total est de 100 000$ et plus représentent 4,1% des contribuables et paient 33,5% de l’impôt des particuliers.

Le problème, c’est que ces chiffres ne veulent rien dire. Pire, ils sont tendancieux : on laisse croire que si les riches ne « convenaient » que de payer « leur part », pour reprendre les termes d’André Pratte, ils n’auraient qu’à payer 4,1% de l’impôt, et que tout ce qui excède cette proportion n’est que générosité de leur part.

Sauf que l’impôt sur le revenu n’est pas un impôt per capita, un impôt dont le montant serait le même tous, peu importe le revenu (genre, la contribution-santé dont le PQ veut se débarrasser). Avec un tel impôt per capita, il serait juste que le 4,1% le plus riche paie 4,1% des revenus générés par un tel impôt. Mais ce n’est pas le cas.

L’impôt sur le revenu porte bien son nom : il s’agit d’un impôt sur le revenu.

Si ce 4,1% le plus riche gagnait 50% des revenus totaux, serait-il juste qu’il ne paie que 33% des impôts?

Alors, on le voit, il manque un chiffre. Alors, reprenons avec ce chiffre : les contribuables dont le revenu total est de 100 000$ et plus représentent 4,1% des contribuables, obtiennent 21,0% des revenus et paient 33,5% de l’impôt. Voilà un portrait plus juste.

Si l’impôt était complètement neutre (sans aucun élément de progressivité), ces contribuables paieraient 21,0% de l’impôt.

Or ils paient 33,5%. La progressivité de notre régime fiscale est visible.

D’ailleurs, pour avoir une autre illustration de cette progressivité, regardons les contribuables dont le revenu est inférieur à 25 000$ par année: ils représentent 47,4% des contribuables, obtiennent 16,0% des revenus et paient 2,4% de l’impôt total. Pas si mal, non?

Visuellement, voici ce que l'on obtient si on sépare les contribuables en trois groupes: les "moins de 50 000$", les "50 000$ à 99 999$" et les "plus de 100 000$".



Mais revenons aux « 100 000$ et plus » qui paient 33,5% de l’impôt. Et surtout aux « 250 000$ et plus », qui représentent 0,6% des contribuables, qui obtiennent 8,0% des revenus et qui paient 13,2% de l’impôt.

Peuvent-ils faire plus ? Doivent-ils faire plus ? Jusqu'à quel point? Le débat est là, mais il n'a pas vraiment lieu. Si ce débat avait eu lieu, les chiffres suivants auraient été présentés.



Il s'agit du même tableau que le premier, sauf que je ventile la catégorie « 100 000$ et plus » et j’ajoute une colonne « taux d’imposition moyen », soit l’impôt à payer en proportion du revenu total (à ne pas confondre avec le taux d’imposition marginal).

Autre signe de la progressivité de notre régime fiscal, plus on se situe dans une tranche de revenu total élevée, plus le taux d’imposition moyen augmente...

À une exception près : les « 250 000$ et plus ». En effet, le taux d’imposition moyen de cette tranche est inférieur à celui de la tranche précédente. Pourquoi? Est-ce normal ? Peut-être que l’effort devrait être là. Et c'est sur ces chiffres que l'on devrait débattre.

Et, à défaut de le faire pour assainir nos finances publiques, faisons-le par mesure d'équité.

Mais, peu importe la réforme que l’on imagine (et qui elle vise), elle ne devra jamais, absolument jamais, être rétroactive. C’est du moins mon opinion.



 

P.s.: Personnellement, j’ai toujours trouvé qu’il n’y avait pas assez de paliers d’imposition, au Québec comme au Canada. Imposer, à la marge, les revenus de 80 000$ et 800 000$ de la même façon, ça n’a pas de sens. Aux États-Unis, jusqu’au milieu des années 80, il y avait environ 15 paliers d'imposition. Dans les années 70, plus ou moins 25 paliers, dont le plus élevé représentait un taux d'imposition de 70% et prenait effet autour du revenu d’un million de dollars (en dollars d’aujourd’hui). Ainsi, à certains égards, je trouve l’initiative du PQ bienvenue, mais mal définie et mal ficelée.

mardi 11 septembre 2012

Un bref retour sur le revenu par quintile

Dans les précédents billets sur le revenu des familles, leur évolution et leur partage, j'ai abondamment utilisé le concept de quintiles. Selon une interprétation personnelle, et extrêmement simpliste*, j'en conviens, j'ai parfois renommé les quintiles ainsi:
- le quintile inférieur: les pauvres;
- les deuxième, troisième et quatrième quintiles: la classe moyenne;
- le quintile supérieur: les riches.

Plusieurs se sont demandés où ils se situaient. Alors, voici les limites inférieures et supérieures pour tous les quintiles de revenu, au Québec, en 2010.


On parle ici du "revenu total" par famille. Un petit rappel sur mon billet du 2 août, le "revenu total" est le revenu de toute provenance (y compris les transferts gouvernementaux mais avant déduction des impôts fédéral et provincial). Il est communément appelé le revenu avant impôt.

Le graphique se lit tout seul. Si votre revenu familial est de 58 401 $, vous faites mieux que 60% des familles québécoises. Et si, par exemple, votre revenu familial avant impôt est de 92 000 $, mes félicitations, vous faites partie des 20% les plus riches!

Et si certains s'intéressent aux données pour l'ensemble du Canada, les voici:


La différence par rapport au graphique précédent est qu'en raison des revenus plus élevés, les limites sont également plus élevées et ce, pour tous les quintiles. Par exemple, à l'échelle du Canada, il faut un revenu familial supérieur à 106 700$ pour se qualifier parmi les 20% les plus riches. Au Québec, on se qualifie ainsi à partir de 91 800$.



* Il s'agit d'une interprétation simpliste car:
  • Par construction, les familles pauvres représenteront toujours 20% du total, celles de la classe moyenne 60%, et les riches 20% du total. Impossible de mesurer ainsi la prévalence de la pauvreté, par exemple.
  • Un famille québécoise ayant un revenu de 35 000 $ par année fera parti de la "classe moyenne" indépendamment du nombre d'enfant, de l’âge de ceux-ci, etc.
Et la liste pourrait se poursuivre. En réalité, la pauvreté (et par le fait même la non-pauvreté) est très difficile à décrire, d'un point de vue statistique. C'est pourquoi on parle généralement de seuils de faible revenu (SFR), de mesures de faible revenu (MFR) ou de mesures du panier de consommation (MPC). J'y reviendrai peut-être un jour car, croyez-le ou non, c'est très intéressant!



vendredi 7 septembre 2012

Mythe: l'accession à la propriété

Une autre idée bien ancrée dans l'esprit de plusieurs, c'est que l'immobilier, ce n'est plus "achetable", que les prix des logements ont atteint des sommets tels que l'accessibilité à la propriété est compromise. Et que, surtout, tout était tellement plus facile il y a 30 ans, à l'époque où une maison valait 50 000$.

Vraiment? Si vous achetez votre maison ou votre appartement comptant, c'est vrai, mieux valait vivre en 1980. Si vous êtes toutefois comme la grande majorité et devez souscrire à une hypothèque, rien n'est plus faux.

Tout d'abord, voici le prix moyen des logements au Québec depuis 1980:


C'est vrai. Le prix moyen des logements au Québec a augmenté d'environ 50 000$ en 1980 à un peu plus de 250 000$ en 2011. Soit une augmentation de 500%.

Évidemment, sur cette période, le revenu des familles a également augmenté, mais à un rythme beaucoup plus lent, vous vous en doutez. De sorte que le ratio du prix des logements sur le revenu après impôt des familles a presque doublé. En 1980, le prix d'un logement représentait 2,8 fois le revenu moyen des familles québécoises. En 2011, ce ratio était de 4,8.


Mais voilà. Qui achète une maison, un appartement, comptant? À peu près tout le monde finance l'achat d'un logement en souscrivant à une hypothèque. Et les taux hypothécaires, eux, ne sont plus les mêmes qu'autrefois. D'un sommet de 19,0% en 1981, le taux des prêts hypothécaires (hypothèque fermée, 5 ans) était de 4,6% en 2011.

Vous croyez que c'est marginal comme facteur? Et bien, pas tellement. Sous une hypothèque de 25 ans à 5%, vous paierez en intérêts environ 75% la valeur du prêt, en plus de rembourser le prêt lui-même. Avec un taux de 10%, on parle alors de 168%. Et avec un taux de 15%, on est rendu à environ 275%. Exprimé autrement, sur un prêt hypothécaire de 100 000$, vous paierez 275 000$ en intérêts (en plus de rembourser le capital de 100 000$).

Ainsi, l'un dans l'autre (la hausse du prix des maisons et la baisse du coût des emprunts), on observe une hausse du coût des mensualités. Mais cette hausse a été moindre que la hausse du revenu après impôt des familles. De sorte que la proportion du revenu allant au paiement de l'hypothèque (capital et intérêts) est moindre aujourd'hui que dans les années 80.


En 1981, en 1982, en 1990, le remboursement de l'hypothèque accaparait 40% du revenu moyen des familles. Ce ratio a ensuite diminué pour atteindre un creux de 22,8% en 2001.

Depuis, il est vrai que ce ratio est reparti à la hausse mais, même 2011, nous sommes encore sous la moyenne des 31 dernières années.

Voilà peut-être pourquoi le taux de propriété des ménages québécois est passé de 56,4% en 1997 à 58,7% en 2007. Chez les 15 à 29 ans, ce taux est passé de 17,7% à 22,5% sur la même période.

Alors, que préférez-vous, mettre 35% de votre revenu sur l'hypothèque (moyenne 1980-1990) ou 27% (moyenne 2001-2011)?

Évidemment, je ne dis pas que la situation actuelle est saine. Les taux sont à des niveaux planchers et de là, ils ne peuvent que monter (quoique cette hausse sera graduelle et "limitée"). Ainsi, plusieurs familles sont vulnérables. D'ailleurs, la question de l'endettement hypothécaire est prise au sérieux par à peu près tous les intervenants concernés (Banque du Canada, gouvernement fédéral et la SCHL, gouvernements provinciaux, banques etc.)

Mais reste qu'aujourd'hui, contrairement à une idée généralement admise, l'achat d'un logement ne pèse pas plus lourd sur les finances d'une famille qu'au cours des trente dernières années.

Ce que sera demain, c'est autre chose.





P.s.: pour les sources et la méthodologie, contactez-moi (via les commentaires).