Rapidement, deux graphiques pour illuster l'ampleur des crises grecque et espagnole.
Un taux de chômage de 27,5% en Espagne, et 31,0% en Grèce!
Contre 7,2% au Canada. Si ce taux avait été le même qu'en Grèce, il n'y aurait pas 1,4 million de chômeurs au Canada, mais bien 6 millions!
Notez aussi qu'au cours de la Grande Dépression, dans les années 30, on estime que le taux de chômage aux États-Unis n'a jamais dépassé 25%.
Et comment les jeunes s'en sortent-ils? Voici le même graphique, mais pour les moins de 25 ans:
Taux de chômage chez les jeunes de 40,6% en Italie. 54,4% en Espagne. 74,4% en Grèce.
Ces chiffres se passent de commentaires.
Economica Miscellanea
vendredi 31 mai 2013
mardi 29 janvier 2013
Les "riches" et le reste
Suite à la diffusion de nouvelles données de Statistique Canada, dont je parlais hier, un petit graphique montrant l'évolution du revenu du marché (c'est-à-dire avant les transferts gouvernementaux et avant les impôts) entre 1982 et 2010, au Québec, par groupe de revenu.
Je rappelle qu'au Québec, en 2010:
- le groupe du "90% le plus pauvre" (jusqu'à 69 000$) représentait 5 558 015 déclarants;
- le groupe du "90 à 95%" (de 69 001$ à 89 000$) représentait 308 795 déclarants;
- le groupe du "95 à 99%" (de 89 001$ à 166 700$) représentait 247 025 déclarants;
- le groupe du "1% le plus riche" (166 701$ et plus) représentait 61 760 déclarants.
Et maintenant, l'équivalent pour le revenu après impôt:
À vous de commenter!
Je rappelle qu'au Québec, en 2010:
- le groupe du "90% le plus pauvre" (jusqu'à 69 000$) représentait 5 558 015 déclarants;
- le groupe du "90 à 95%" (de 69 001$ à 89 000$) représentait 308 795 déclarants;
- le groupe du "95 à 99%" (de 89 001$ à 166 700$) représentait 247 025 déclarants;
- le groupe du "1% le plus riche" (166 701$ et plus) représentait 61 760 déclarants.
Et maintenant, l'équivalent pour le revenu après impôt:
À vous de commenter!
lundi 28 janvier 2013
Le 1% québécois
Statistique Canada a rendu public aujourd’hui de nouveaux chiffres que je qualifierais de passionnants! Ces chiffres décrivent les tendances du revenu chez les contribuables au Canada. Ces nouveaux tableaux sont tellement riches que je pense facilement à une dizaine d'angles différents pour commenter ces données. En fait, c’est tellement gros que je ne sais pas par quel bout prendre ça.
Il est en effet possible d’analyser ces chiffres sous un angle géographique (par province ou par région métropolitaine), sous un angle démographique (par sexe, par âge, par état civil), sous l’angle du type de revenu (revenu du marché, revenu total, revenu après impôt), sous l’angle de la source des revenus, des impôts payés, de la mobilité sociale, etc.
Mais surtout, il est possible d’analyser ces chiffres sous l’angle du groupe de revenu. Notamment, du fameux « 1% le plus riche » versus les « 99% les plus pauvres ». Ou encore du 0,1% le plus riche, et même du 0,01% le plus riche.
Malheureusement, je n’ai pas tellement le temps pour l’instant, alors je vais m’en tenir à quelques faits saillants, principalement pour le Québec :
Ces chiffres prennent leur sens si on les compare à ceux relatifs aux « 99% les plus pauvres »:
Qu’en est-il de l’évolution dans le temps?
On pourrait arguer que l'état ne va pas assez loin dans sa redistribution, mais son effet est bel et bien réel. En 2010:
Et 1982, l'action du gouvernement était moins déterminante:
Dans l'ensemble, après un coup d'oeil très sommaire, tout ça semble plutôt complexe. D'une part, on le voit, les inégalités se sont creusées. Mais d'autre part, l'imposition, tout en diminuant pour tout le monde, est devenue plus « agressive » pour le 1% (par rapport aux 99%).
Il est en effet possible d’analyser ces chiffres sous un angle géographique (par province ou par région métropolitaine), sous un angle démographique (par sexe, par âge, par état civil), sous l’angle du type de revenu (revenu du marché, revenu total, revenu après impôt), sous l’angle de la source des revenus, des impôts payés, de la mobilité sociale, etc.
Mais surtout, il est possible d’analyser ces chiffres sous l’angle du groupe de revenu. Notamment, du fameux « 1% le plus riche » versus les « 99% les plus pauvres ». Ou encore du 0,1% le plus riche, et même du 0,01% le plus riche.
Malheureusement, je n’ai pas tellement le temps pour l’instant, alors je vais m’en tenir à quelques faits saillants, principalement pour le Québec :
- En 2010, il faillait déclarer un revenu d'au moins 168 600 $ pour faire partie du 1% (contre 201 400 $ pour l’ensemble du Canada). Par ailleurs, le revenu moyen de ce groupe était de 329 300$ (429 600$ pour l'ensemble du Canada);
- 77% étaient des hommes;
- L’âge médian était de 52 ans;
- Le 1% a absorbé 9,1% des revenus totaux et a payé 18,5% de l’impôt;
- Le taux d’imposition moyen de ce 1% était de 34,8%.
Ces chiffres prennent leur sens si on les compare à ceux relatifs aux « 99% les plus pauvres »:
- Le revenu moyen des 99% était de 33 400 $, soit 9,9 fois moins que celui du 1%;
- 48% étaient des hommes;
- L'âge médian était de 47 ans;
- Les 99% ont absorbé 90,9% des revenus totaux et a payé 81,5% de l'impôt;
- Le taux d'imposition moyen de ces 99% était de 15,3%.
Qu’en est-il de l’évolution dans le temps?
- En 1982, le revenu des 99% était 6,6 fois inférieur à celui du 1%, contre 9,9 fois en 2010;
- Entre 1982 et 2010, la part des revenus totaux absorbée par le 1% est passée de 6,2% à 9,1%;
- Mais la part des impôts payée par ce groupe a aussi augmenté, de 11,6% à 18,5%;
- Le taux d’imposition moyen du 1% est passé de 38,1% à 34,8%;
- Pendant ce temps, le taux d'imposition moyen pour les 99% est passé de 19% à 15,3%;
- Pour chaque dollar que les 99% payaient en impôts en 1982, le 1% en payait 13. En 2010, pour chaque dollar que les 99% payaient en impôts, le 1% en payait 22.
On pourrait arguer que l'état ne va pas assez loin dans sa redistribution, mais son effet est bel et bien réel. En 2010:
- Au niveau du revenu du marché, le 1% avait un revenu moyen 11,8 fois supérieur à celui des 99%;
- Au niveau du revenu total, c'est-à-dire après les les transferts gouvernementaux et les crédits d'impôt remboursables, ce ratio diminuait à 9,9;
- Et au niveau du revenu après impôts (fédéral et provincial), ce ratio passait à 7,7.
Et 1982, l'action du gouvernement était moins déterminante:
- Au niveau du revenu du marché, le 1% avait un revenu moyen 7,2 fois supérieur à celui des 99%;
- Au niveau du revenu total, ce ratio passait à 6,6;
- Et au niveau du revenu après impôts (fédéral et provincial), ce ratio était de 5,2.
Dans l'ensemble, après un coup d'oeil très sommaire, tout ça semble plutôt complexe. D'une part, on le voit, les inégalités se sont creusées. Mais d'autre part, l'imposition, tout en diminuant pour tout le monde, est devenue plus « agressive » pour le 1% (par rapport aux 99%).
Bref, je crois qu'on n'a pas fini d'entendre parler de ces nouvelles données de Statistique Canada. Et tant mieux si cela permet d'éclairer le débat.
Rapidement, pour terminer, si cela vous intéresse. En 2010:
- Pour faire partie des 6 180 déclarants québécois du 0,1% le plus riche, il fallait un revenu total d'au moins 516 700$. Par ailleurs, la moyenne était de 1 016 200$. Récoltant 2,8% des revenus totaux, les membres de ce groupe ont payé 6,0% de l'impôt;
- Et pour faire partie des 620 déclarants québécois du 0,01% le plus riche, il fallait un revenu total d'au moins 1 723 200$. La moyenne était de 3 083 400$. Récoltant 0,9% des revenus totaux, les membres de ce groupe ont payé 1,8% de l'impôt.
vendredi 25 janvier 2013
Et les taxes à la consommation?
Dans mon dernier billet, j’ai présenté des définitions générales de ce qu’est une taxation progressive, neutre ou régressive. En gros, une taxe sera qualifiée de progressive si le poids de celle-ci augmente plus rapidement que le revenu. Dans le cas opposé, la taxe sera qualifiée de régressive. Et dans le cas où le poids de la taxe est proportionnel au revenu, elle sera qualifiée de neutre.
Pour les impôts sur le revenu, ça semble clair. Mais ce n’est pas le seul type de taxation qui existe. En effet, il y en a d’autres et on pense vite aux taxes à la consommation (TPS et TVQ).
Comment devrait-on qualifier ces taxes?
J’ai souvent entendu des gens décrire ces taxes comme étant régressives, parce que ce n’était pas « juste » que le taux soit le même pour tous, riches comme pauvres.
D’abord, je rappelle que les termes « progressif », « neutre » et « régressif » ne comportent pas de jugement de valeur; les termes « juste » et « injuste » ne devraient servir de substituts aux termes « progressif » et « régressif ».
À la base, les taxes à la consommation pèsent plus lourd sur les revenus des personnes à faible revenu que sur ceux des personnes disposant d’un revenu élevé. La logique est que comme elles épargnent davantage, les personnes disposant d’un revenu élevé consomment généralement une part plus faible de leur revenu, de sorte que le montant payé en taxes à la consommation en proportion du revenu est aussi plus faible. D’où l’idée d’une taxation régressive.
Et cette régressivité serait bien réelle sans l’existence de ces deux mesures : les crédits d’impôt remboursables pour TPS/TVQ et l’exemption de certains produits de consommation. Mais en tenant compte de ces deux mesures, les taxes à la consommation, autrement régressives, deviennent… progressives!
C’est ce qui ressort de l'exercice auquel Luc Godbout et Suzie St-Cerny se sont livrés dans leur étude s'intitulant « La perception du caractère régressif des taxes à la consommation au Québec est-elle fondée? », disponible ici.
Par rapport aux crédits d’impôt remboursables pour TPS/TVQ, l’idée est simple. On offre un remboursement aux personnes dont le revenu se situe en-deçà d’un certain seuil. Ce remboursement, dont le montant varie selon la structure de la famille, diminue à mesure que le revenu augmente. Ainsi, cette mesure compense partiellement ou totalement les montants payés en TPS/TVQ, rendant ainsi la taxe plus progressive.
Quant aux exemptions de TPS/TVQ pour certains produits de consommation, l’idée est la suivante : certains biens et services (dont la nourriture et le logement) représentent une part plus importante des dépenses chez les ménages à faible revenu que chez les autres ménages. D’exempter ces biens et services de TPS/TVQ permet une fois de plus de réduire le poids de ces taxes pour personnes à faible revenu et de rendre les taxes plus progressives.
Ces deux mesures n’ont toutefois pas le même impact. En effet, les résultats montrent que c’est surtout grâce aux crédits d’impôt remboursables pour TPS/TVQ que l’on obtient une progressivité des taxes à la consommation. Les exemptions de TPS/TVQ, pour leur part, jouent un rôle moins important. Et par ailleurs, ces exemptions coûtent plus cher aux gouvernements que les remboursements.
Sans entrer davantage dans les détails, ce qu'il faut retenir de l'étude, c’est que « il est faux d’affirmer que les ménages à plus faibles revenus consacrent une part plus importante de leur revenu en taxes que les familles ayant des revenus plus élevés. En effet, les mesures compensatoires éliminent la régressivité inhérente aux taxes à la consommation ».
Pour les impôts sur le revenu, ça semble clair. Mais ce n’est pas le seul type de taxation qui existe. En effet, il y en a d’autres et on pense vite aux taxes à la consommation (TPS et TVQ).
Comment devrait-on qualifier ces taxes?
J’ai souvent entendu des gens décrire ces taxes comme étant régressives, parce que ce n’était pas « juste » que le taux soit le même pour tous, riches comme pauvres.
D’abord, je rappelle que les termes « progressif », « neutre » et « régressif » ne comportent pas de jugement de valeur; les termes « juste » et « injuste » ne devraient servir de substituts aux termes « progressif » et « régressif ».
À la base, les taxes à la consommation pèsent plus lourd sur les revenus des personnes à faible revenu que sur ceux des personnes disposant d’un revenu élevé. La logique est que comme elles épargnent davantage, les personnes disposant d’un revenu élevé consomment généralement une part plus faible de leur revenu, de sorte que le montant payé en taxes à la consommation en proportion du revenu est aussi plus faible. D’où l’idée d’une taxation régressive.
Et cette régressivité serait bien réelle sans l’existence de ces deux mesures : les crédits d’impôt remboursables pour TPS/TVQ et l’exemption de certains produits de consommation. Mais en tenant compte de ces deux mesures, les taxes à la consommation, autrement régressives, deviennent… progressives!
C’est ce qui ressort de l'exercice auquel Luc Godbout et Suzie St-Cerny se sont livrés dans leur étude s'intitulant « La perception du caractère régressif des taxes à la consommation au Québec est-elle fondée? », disponible ici.
Par rapport aux crédits d’impôt remboursables pour TPS/TVQ, l’idée est simple. On offre un remboursement aux personnes dont le revenu se situe en-deçà d’un certain seuil. Ce remboursement, dont le montant varie selon la structure de la famille, diminue à mesure que le revenu augmente. Ainsi, cette mesure compense partiellement ou totalement les montants payés en TPS/TVQ, rendant ainsi la taxe plus progressive.
Quant aux exemptions de TPS/TVQ pour certains produits de consommation, l’idée est la suivante : certains biens et services (dont la nourriture et le logement) représentent une part plus importante des dépenses chez les ménages à faible revenu que chez les autres ménages. D’exempter ces biens et services de TPS/TVQ permet une fois de plus de réduire le poids de ces taxes pour personnes à faible revenu et de rendre les taxes plus progressives.
Ces deux mesures n’ont toutefois pas le même impact. En effet, les résultats montrent que c’est surtout grâce aux crédits d’impôt remboursables pour TPS/TVQ que l’on obtient une progressivité des taxes à la consommation. Les exemptions de TPS/TVQ, pour leur part, jouent un rôle moins important. Et par ailleurs, ces exemptions coûtent plus cher aux gouvernements que les remboursements.
Sans entrer davantage dans les détails, ce qu'il faut retenir de l'étude, c’est que « il est faux d’affirmer que les ménages à plus faibles revenus consacrent une part plus importante de leur revenu en taxes que les familles ayant des revenus plus élevés. En effet, les mesures compensatoires éliminent la régressivité inhérente aux taxes à la consommation ».
vendredi 18 janvier 2013
La progressivité de la contribution-santé
Avec l’année 2013 qui débute, les contribuables québécois sont maintenant soumis à la nouvelle « contribution-santé progressive » du nouveau gouvernement péquiste, remplaçant la « contribution-santé » de l’ancien gouvernement libéral. J’en profite alors pour revenir sur le sujet.
Il n’y a pas de doutes que la contribution-santé, telle qu’elle existait jusqu’en 2012, était une taxe régressive. En effet, le montant à payer était le même pour tous les contribuables, indépendamment de leur revenu (sauf ceux ayant un très faible revenu, qui en étaient exemptés). Assumer une taxe de 200$ lorsque l’on a un revenu de 20 000$ n’est pas la même chose qu’assumer une taxe de 200$ lorsque l’on a un revenu de 200 000$. Cela a été dit et redit.
Après une réflexion plutôt tortueuse sur la place publique, le nouveau gouvernement du Parti Québécois a choisi de conserver cette contribution-santé et de la rendre progressive.
Mais l’est-elle vraiment devenue?
Avant d’aller plus loin, quelques définitions :
- Une taxe est dite progressive si le taux moyen de la taxe augmente lorsque le revenu augmente. Ou dit autrement, si la taxe, en pourcentage du revenu, augmente à mesure que le revenu augmente;
- Une taxe est dite régressive si le taux moyen décroît lorsque le revenu augmente. C’est-à-dire si la taxe, en pourcentage du revenu, diminue à mesure que le revenu augmente;
- Et une taxe est dite neutre si le taux moyen de la taxe est le même peu importe le revenu.
Le terme régressif ne comporte pas de jugement de valeur; on utilise parfois le terme dégressif.
Graphiquement, voici ce que ça donne.
Ainsi, lorsque l’on regarde sous cet angle la contribution-santé 2012, dont le montant était de 200$ pour presque tous les contribuables, on voit qu’il s’agit clairement d’une taxe régressive:
Mais la contribution-santé 2013, que le nouveau gouvernement qualifie de progressive, l'est-elle vraiment? D’une part, il est vrai que les contribuables les plus riches paieront plus, en dollars, que ceux de la classe moyenne.
Mais cela ne suffit pas à rendre une taxe progressive; ce qui compte vraiment, c'est le poids de cette taxe en proportion du revenu. Et sous cet angle, cette nouvelle contribution-santé est parfois progressive, parfois régressive. En fait, sauf entre quelques fourchettes de revenus (entre 18K et 20K, entre 40K et 42K et entre 130K et 150K) où la contribution-santé a un caractère progressif, cette dernière est généralement régressive.
On a simplement modifié le problème. En 2012, on disait que ça n’avait pas de sens qu’un contribuable avec un revenu de 20K paie le même montant qu’un contribuable avec un revenu de 200K. Et c’était vrai. Mais ça n’a pas plus de sens, en 2013, qu’un contribuable avec un revenu de 50K paie le même montant qu’un contribuable avec un revenu de 130K. Comme ça n’a pas de sens qu’un contribuable avec un revenu de 150K paie le même montant qu’un contribuable avec un revenu de 500K.
Seule une augmentation constante et continue de la contribution-santé, plutôt que par palier, aurait permis une taxation vraiment progressive. Disons que les modifications apportées par le gouvernement péquiste représentent un pas dans la bonne direction, mais ne vont peut-être pas assez loin pour être qualifiées de progressives.
Ma solution, si cela vous intéresse?
Au lieu d’avoir complexifié davantage notre régime fiscal pour créer un impôt progressif/régressif, pourquoi ne pas simplement avoir intégré la contribution-santé au régime d’impôt sur le revenu des particuliers, qui lui est clairement progressif? Pour ceux qui mettent en doute la progressivité de l'impôt sur le revenu au Québec, voici les taux marginal et moyen de ce dernier, selon le revenu imposable:
Avec la contribution-santé version 2013, on cherche à amasser 693 millions de dollars. Il aurait suffit d'augmenter très légèrement (d'en moyenne 0,6 point de pourcentage) les taux d'imposition sur les particuliers pour aller chercher ces mêmes 693 millions de dollars. La progressivité en plus! D'ailleurs, à vous d'en juger. Voici les montants, en proportion du revenu imposable, à aller chercher pour obtenir ces 693 millions en 2013, soit via un impôt sur le revenu majoré ou via la contribution-santé progressive/régressive:
Et voici les montants, en dollars, qu'impliquent ces deux méthodes:
À vous d'en juger.
Il n’y a pas de doutes que la contribution-santé, telle qu’elle existait jusqu’en 2012, était une taxe régressive. En effet, le montant à payer était le même pour tous les contribuables, indépendamment de leur revenu (sauf ceux ayant un très faible revenu, qui en étaient exemptés). Assumer une taxe de 200$ lorsque l’on a un revenu de 20 000$ n’est pas la même chose qu’assumer une taxe de 200$ lorsque l’on a un revenu de 200 000$. Cela a été dit et redit.
Après une réflexion plutôt tortueuse sur la place publique, le nouveau gouvernement du Parti Québécois a choisi de conserver cette contribution-santé et de la rendre progressive.
Mais l’est-elle vraiment devenue?
Avant d’aller plus loin, quelques définitions :
- Une taxe est dite progressive si le taux moyen de la taxe augmente lorsque le revenu augmente. Ou dit autrement, si la taxe, en pourcentage du revenu, augmente à mesure que le revenu augmente;
- Une taxe est dite régressive si le taux moyen décroît lorsque le revenu augmente. C’est-à-dire si la taxe, en pourcentage du revenu, diminue à mesure que le revenu augmente;
- Et une taxe est dite neutre si le taux moyen de la taxe est le même peu importe le revenu.
Le terme régressif ne comporte pas de jugement de valeur; on utilise parfois le terme dégressif.
Graphiquement, voici ce que ça donne.
Ainsi, lorsque l’on regarde sous cet angle la contribution-santé 2012, dont le montant était de 200$ pour presque tous les contribuables, on voit qu’il s’agit clairement d’une taxe régressive:
Mais la contribution-santé 2013, que le nouveau gouvernement qualifie de progressive, l'est-elle vraiment? D’une part, il est vrai que les contribuables les plus riches paieront plus, en dollars, que ceux de la classe moyenne.
Mais cela ne suffit pas à rendre une taxe progressive; ce qui compte vraiment, c'est le poids de cette taxe en proportion du revenu. Et sous cet angle, cette nouvelle contribution-santé est parfois progressive, parfois régressive. En fait, sauf entre quelques fourchettes de revenus (entre 18K et 20K, entre 40K et 42K et entre 130K et 150K) où la contribution-santé a un caractère progressif, cette dernière est généralement régressive.
On a simplement modifié le problème. En 2012, on disait que ça n’avait pas de sens qu’un contribuable avec un revenu de 20K paie le même montant qu’un contribuable avec un revenu de 200K. Et c’était vrai. Mais ça n’a pas plus de sens, en 2013, qu’un contribuable avec un revenu de 50K paie le même montant qu’un contribuable avec un revenu de 130K. Comme ça n’a pas de sens qu’un contribuable avec un revenu de 150K paie le même montant qu’un contribuable avec un revenu de 500K.
Seule une augmentation constante et continue de la contribution-santé, plutôt que par palier, aurait permis une taxation vraiment progressive. Disons que les modifications apportées par le gouvernement péquiste représentent un pas dans la bonne direction, mais ne vont peut-être pas assez loin pour être qualifiées de progressives.
Ma solution, si cela vous intéresse?
Au lieu d’avoir complexifié davantage notre régime fiscal pour créer un impôt progressif/régressif, pourquoi ne pas simplement avoir intégré la contribution-santé au régime d’impôt sur le revenu des particuliers, qui lui est clairement progressif? Pour ceux qui mettent en doute la progressivité de l'impôt sur le revenu au Québec, voici les taux marginal et moyen de ce dernier, selon le revenu imposable:
Avec la contribution-santé version 2013, on cherche à amasser 693 millions de dollars. Il aurait suffit d'augmenter très légèrement (d'en moyenne 0,6 point de pourcentage) les taux d'imposition sur les particuliers pour aller chercher ces mêmes 693 millions de dollars. La progressivité en plus! D'ailleurs, à vous d'en juger. Voici les montants, en proportion du revenu imposable, à aller chercher pour obtenir ces 693 millions en 2013, soit via un impôt sur le revenu majoré ou via la contribution-santé progressive/régressive:
Et voici les montants, en dollars, qu'impliquent ces deux méthodes:
À vous d'en juger.
vendredi 14 décembre 2012
Le pétrole et nous 2
Dans mon dernier billet, j’ai sommairement exposé les causes d’un phénomène nouveau, soit la divergence marquée depuis le début de 2011 entre les deux prix du pétrole, le WTI et le BRENT.
Au Canada, ce phénomène prend une importance particulière étant donné qu’au niveau de l’approvisionnement de pétrole, le Canada est divisé en deux (par la ligne Borden) : le Québec et les provinces atlantiques s’approvisionnent en pétrole d’Europe et d’Afrique (prix du BRENT), tandis que l’Ontario et les provinces de l’ouest s’approvisionnent en pétrole nord-américain (prix du WTI).
Comme le BRENT s’est négocié en moyenne 16$ de plus que le WTI depuis janvier 2011, soit plus ou moins 10¢ le litre, on aurait pu s’attendre à ce que les pétrolières refilent cette hausse aux consommateurs de l’est. Or, que s’est-il produit? Les pétrolières ont effectivement refilé cette hausse aux consommateurs... mais à ceux de l'ouest, diminuant au passage leurs marges au Québec et dans les provinces Atlantiques!
C’est ce que l’on constate en observant les données du Ministère des Ressources naturelles du Canada. Il suffit de distinguer les trois composantes du prix de l’essence :
- Le pétrole brut, dont le prix est déterminé par les marchés (et non par les pétrolières);
- Les coûts et les marges du raffineur et du négociant;
- Les taxes fédérales et provinciales. Certaines sont fédérales et s’appliquent partout (la taxe d’accise de 10¢ le litre et la TPS de 5%), d’autres provinciales (les taxes d’accise et les taxes de ventes provinciales) ou régionales (comme la taxe de 3¢ le litre à Montréal et dans ses environs, ou celle de 9¢ le litre à Vancouver).
En 2010, l’absence de divergence entre le prix du WTI et celui du BRENT se reflète sur le prix du brut – il est le même partout : 49¢ le litre. Les coûts et marges du raffineur et du négociant, pour leur part, varient peu d’une ville à l’autre : plus ou moins 2¢ par rapport à la moyenne canadienne de 21¢. Finalement, la taxation est le facteur expliquant les différences entre les villes : faible à Calgary, élevée à Vancouver et Montréal.
L’écart moyen entre le BRENT et le WTI a été de 0,12$ en 2010. Or, en 2011, il était de 16,39$. Et le graphique montre bien cette divergence.
En 2011, le pétrole brut représente 60¢ le litre dans les villes de l’ouest, mais 69¢ le litre dans les villes de l’est. Comme je disais au début, on se serait attendu à ce que à ce que les prix (avant taxes) deviennent plus élevés dans l’est que dans l’ouest.
Or, il n’en est rien. Les marges ont été gonflées dans l’ouest (25¢ à 27¢), et réduites dans l’est (14¢ et 15¢). De sorte qu’au final, l’essence (toujours avant taxes) demeure moins chère dans l’est que dans l’ouest!
Et finalement, les taxes expliquent encore une fois la différence entre les villes. De 24¢ à Calgary jusqu’à 46¢ à Montréal.
On pourrait évidemment arguer que les pétrolières ont sacrifié leurs marges dans 25% de leur marché pour les augmenter dans le 75% restant. Mais du point du vue du Québec, vous conviendrez qu’il ne s’agit pas d’une mauvaise chose.
En 2010, l’essence à Montréal se vendait 6¢ de plus le litre qu’à Toronto. En 2011, l’essence à Montréal se vendait 7¢ de plus le litre qu’à Toronto, une augmentation due à la hausse de la taxe d’accise du Québec de… 1¢.
Si Montréal et Toronto avaient payé leur essence selon leurs marges respectives de 2010, l’écart aurait été de 15¢, soit le double.
Insignifiant? En 2011 seulement, la différence entre ces marges a représenté une économie 285 millions de dollars pour les automobilistes québécois! Et une dépense supplémentaire de 765 millions de dollars pour les automobilistes ontariens!
N'oubliez pas de remercier les Shell, Petro-Canada, Ultramar et Esso de ce monde la prochaine fois que vous faites le plein.
Finalement, un mot sur les fluctuations du prix de l'essence. Il faut comprendre que les taxes, même si elles représentent une part importante du prix de l’essence, n’explique pas la variation du prix de celle-ci. La plus grande partie de la taxation de l’essence est fixe: les taxes d'accise fédérale et québécoise sont de 10¢ et 17,2¢ respectivement, indépendamment du prix avant taxes. Seules les TVA (TPS et TVQ, dans le cas du Québec), varient conjointement avec le prix de l'essence. Mais leur effet est marginal. Voici les composantes du prix de l’essence pour les onze premiers mois de l'année 2012:
On voit très clairement que si les taxes comptent pour une proportion importante du prix à la pompe (plus ou moins 48¢ au cours de la période visée), la variation du prix final est principalement due aux fluctuations du prix du pétrole brut et aux marges des raffineur et négociant.
Une autre chose à garder en tête lorsque vous faites le plein!
Une autre chose à garder en tête lorsque vous faites le plein!
vendredi 23 novembre 2012
Le pétrole et nous 1
Tout d’abord, il faut comprendre qu’il existe deux références lorsque l’on parle du prix du pétrole brut : le WTI et le BRENT. Le WTI (West Texas Intermediate) réfère d’abord au marché américain tandis que le BRENT (acronyme de Broom, Rannock, Etive, Ness et Tarbert, champs pétrolifères dans la Mer du Nord) est un pétrole plus international.
Il s’agit de deux pétroles de bonne qualité, bien que celle du WTI soit légèrement supérieure à celle du BRENT (respectivement 0,24% et 0,37% de sulfure). Historiquement, le prix du BRENT suivait de très près le prix du WTI. En fait, le prix du BRENT était légèrement inférieur à celui du WTI, étant donné sa qualité moindre, mais rien de très important (1,39$ d’écart en moyenne de 1987 à 2010). Ainsi, la distinction entre les deux n’était pas vraiment pertinente et le prix du WTI, négocié à New York, était considéré comme le « vrai » prix du pétrole.
Or depuis le début de 2011, ce n’est plus le cas. Le prix du BRENT a dépassé le prix du WTI, est de loin.
Cet écart, de 16$ en moyenne entre janvier 2011 et octobre 2012 a même atteint plus de 27$ en septembre 2011.
Pourquoi? Principalement deux raisons. L’une poussant le prix du BRENT à la hausse, et l’autre poussant le prix du WTI à la baisse.
Premièrement, la principale raison poussant le prix du BRENT à la hausse: le printemps arabe. Les tensions découlant du printemps arabe ont déstabilisé la production de pétrole du Maghreb et partiellement interrompu les livraisons à l’Europe. Celle-ci s’est alors tournée vers le pétrole de la Mer du Nord, déclenchant une hausse du prix du BRENT. Il y a aussi eu de la spéculation quant aux possibles implications de la fermeture du Canal de Suez et les sanctions face à l’Iran.
Ensuite, la principale raison poussant les prix du WTI à la baisse : le syndrome de Cushing. Cushing est une petite ville en Oklahoma où convergent la plupart des oléoducs. Un genre de « hub » pétrolier. Le problème, c’est que dû à un ralentissement de la consommation américaine et devant l’impossibilité d’arrêter le flux dans les oléoducs, il y a une accumulation importante des stocks de pétrole dans ce « hub ». En présence de surplus, la capacité de stockage étant atteinte, le prix chute.
C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’Enbridge a renversé, en juin 2012, le flot de l’oléoduc Seaway, afin de maintenant transporter le pétrole de Cushing vers les ports du Golfe du Mexique plutôt que l’inverse. C’est toujours dans ce contexte qu’Enbridge veut inverser le flux de son oléoduc 9 entre Sarnia et Montréal. Et c’est encore dans ce contexte que TransCanada veut construire son oléoduc Keystone XL permettant d’acheminer le pétrole de l’Alberta jusqu’au Golfe du Mexique (en contournant bien sûr Cushing).
Et il y a une autre chose qu’il faut savoir. En 1961, sous Diefenbaker, il a été décidé qu’une ligne entre le Québec et l’Ontario séparerait le Canada en deux, la ligne Borden. Du côté ouest, les raffineries seraient approvisionnées par le pétrole de l’ouest et des États-Unis (donc le WTI), tandis que du côté est, elles seraient approvisionnées par le pétrole d’outre-mer (le BRENT).
Ainsi, au Québec spécifiquement, c’est le cours du BRENT qui influence le prix à la pompe (le prix du pétrole brut contribuant de façon importante au prix de l’essence). Pendant des décennies, cela n’a pas causé problème.
Mais voilà que depuis 2011, le prix du BRENT est en moyenne 16$ plus élevé que le WTI. Une différence d’environ 10¢ le litre. On se serait attendu à ce que les pétrolières refilent cette hausse aux consommateurs. Or, que s’est-il produit? Les pétrolières ont effectivement refilé cette hausse aux consommateurs... mais à ceux de l'ouest, diminuant au passage leur marge au Québec et dans les provinces Atlantiques!
J’y reviendrai dans mon prochain billet.
Il s’agit de deux pétroles de bonne qualité, bien que celle du WTI soit légèrement supérieure à celle du BRENT (respectivement 0,24% et 0,37% de sulfure). Historiquement, le prix du BRENT suivait de très près le prix du WTI. En fait, le prix du BRENT était légèrement inférieur à celui du WTI, étant donné sa qualité moindre, mais rien de très important (1,39$ d’écart en moyenne de 1987 à 2010). Ainsi, la distinction entre les deux n’était pas vraiment pertinente et le prix du WTI, négocié à New York, était considéré comme le « vrai » prix du pétrole.
Or depuis le début de 2011, ce n’est plus le cas. Le prix du BRENT a dépassé le prix du WTI, est de loin.
Cet écart, de 16$ en moyenne entre janvier 2011 et octobre 2012 a même atteint plus de 27$ en septembre 2011.
Pourquoi? Principalement deux raisons. L’une poussant le prix du BRENT à la hausse, et l’autre poussant le prix du WTI à la baisse.
Premièrement, la principale raison poussant le prix du BRENT à la hausse: le printemps arabe. Les tensions découlant du printemps arabe ont déstabilisé la production de pétrole du Maghreb et partiellement interrompu les livraisons à l’Europe. Celle-ci s’est alors tournée vers le pétrole de la Mer du Nord, déclenchant une hausse du prix du BRENT. Il y a aussi eu de la spéculation quant aux possibles implications de la fermeture du Canal de Suez et les sanctions face à l’Iran.
Ensuite, la principale raison poussant les prix du WTI à la baisse : le syndrome de Cushing. Cushing est une petite ville en Oklahoma où convergent la plupart des oléoducs. Un genre de « hub » pétrolier. Le problème, c’est que dû à un ralentissement de la consommation américaine et devant l’impossibilité d’arrêter le flux dans les oléoducs, il y a une accumulation importante des stocks de pétrole dans ce « hub ». En présence de surplus, la capacité de stockage étant atteinte, le prix chute.
C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’Enbridge a renversé, en juin 2012, le flot de l’oléoduc Seaway, afin de maintenant transporter le pétrole de Cushing vers les ports du Golfe du Mexique plutôt que l’inverse. C’est toujours dans ce contexte qu’Enbridge veut inverser le flux de son oléoduc 9 entre Sarnia et Montréal. Et c’est encore dans ce contexte que TransCanada veut construire son oléoduc Keystone XL permettant d’acheminer le pétrole de l’Alberta jusqu’au Golfe du Mexique (en contournant bien sûr Cushing).
Et il y a une autre chose qu’il faut savoir. En 1961, sous Diefenbaker, il a été décidé qu’une ligne entre le Québec et l’Ontario séparerait le Canada en deux, la ligne Borden. Du côté ouest, les raffineries seraient approvisionnées par le pétrole de l’ouest et des États-Unis (donc le WTI), tandis que du côté est, elles seraient approvisionnées par le pétrole d’outre-mer (le BRENT).
Ainsi, au Québec spécifiquement, c’est le cours du BRENT qui influence le prix à la pompe (le prix du pétrole brut contribuant de façon importante au prix de l’essence). Pendant des décennies, cela n’a pas causé problème.
Mais voilà que depuis 2011, le prix du BRENT est en moyenne 16$ plus élevé que le WTI. Une différence d’environ 10¢ le litre. On se serait attendu à ce que les pétrolières refilent cette hausse aux consommateurs. Or, que s’est-il produit? Les pétrolières ont effectivement refilé cette hausse aux consommateurs... mais à ceux de l'ouest, diminuant au passage leur marge au Québec et dans les provinces Atlantiques!
J’y reviendrai dans mon prochain billet.
lundi 15 octobre 2012
Qui a profité des baisses d'impôt 2
Je disais l'autre jour qu'en observant les chiffres d'un tableau ayant largement circulé via les médias sociaux, je m'étais demandé si, malgré l’apparence d’une baisse d’impôt ayant surtout profité aux riches, ceux-ci ne contribuaient pas plus aujourd’hui que 10 ans plus tôt.
Idée contre-intuitive, n'est-ce pas? Alors, voici donc ce que l'on trouve dans les Statistiques fiscales des particuliers de Revenu Québec (pour lesquelles, malheureusement, 2009 est la dernière année disponible).
Tout d'abord, deux définitions:
Alors, sans surprise, lorsqu'on regarde l'évolution du revenu total de 1999 à 2009, on assiste à une augmentation constante, signe de la croissance de la population, des prix (car il s'agit de dollars courants) et de l'économie en générale.
Et voici le même graphique pour l'impôt à payer au gouvernement du Québec. On voit que malgré les baisses d'impôt, les montants que rapporte l'impôt ont, d'une manière générale, augmentés:
En fait, si l'impôt des particuliers a diminué, c'est en proportion du revenu total, soit le taux d'imposition moyen (de 11,2% en 1999 à 9,2% en 2009). Notez que c'est dans les premières années de la décennie que la baisse a été la plus importante (de 11,2% en 1999 à 9,4% en 2003):
Donc, l'impôt à payer, en proportion des revenus a effectivement diminué. Mais pour qui? Pour les faibles revenus? Pour les hauts revenus? Ou la classe moyenne?
C'est là que, dans mon dernier billet, je disais que les résultats m'avaient surpris. Parce que le tout est au beau fixe. Regardez les graphiques suivants. Avez-vous déjà vu des graphiques aussi ennuyants?
À gauche, c'est simplement la répartition du revenu total, entre le "top-20%" et le reste.
Entre 1999 et 2009, la part du revenu total absorbée par le 20% le plus riche a oscillé entre 50,2% et 51,6%. En 2009, le chiffre était de 50,9%. Et le 80% restant récoltait la différence.
À droite, c'est la répartition de l'impôt à payer, toujours entre le "top-20%" et le reste.
Entre 1999 et 2009, la part de l'impôt payée par le 20% le plus riche a oscillé entre 69,2% et 71,7%. En 2009, le chiffre était de 70,3%. Et le 80% restant payait la différence.
En d'autres mots, aucun changement majeur.
Côté revenus, on ne peut pas vraiment dire qu'il y a eu enrichissement des riches aux dépends du reste. Du moins, pas du 20% le plus riche. Si, par exemple, le 1% le plus riche s'est enrichi, c'est principalement aux dépends du 19% suivant.
Côté impôt, c'est vrai que le 20% le plus riche paie moins d'impôt en 2009 qu'en 1999. Le taux moyen est passé de 15,4% à 12,7%. Mais ce taux moyen a diminué pour tout le monde. Le choix voulant que si les impôts diminuent, ceux qui en profitent soient ceux qui en paient, a été respecté. De sorte que, sur l'impôt total auprès des particuliers (deuxième graphique), la part du 20% le plus riche n'a pas diminué, ni augmenté. Et d'autres mots, la baisse de l'impôt a été (presque) proportionnelle au revenu. Encore en d'autres mots, la baisse n'est ni progressive, ni régressive.
Je dis "presque" proportionnelle au revenu car pas parfaitement. Les montants en jeu sont les suivants. Si la part payée par le 20% le plus riche était demeuré au niveau de 1999, ils auraient payé 279 millions de moins en impôt. Si toutefois la part payée était demeuré au niveau de 2003, ils auraient payé 237 millions de plus en impôt. Il s'agit toutefois d'une évaluation statique, extrêmement simpliste.
MAIS, il y a plusieurs de "mais" à ce billet. Par exemple: la baisse de l'impôt a impliqué que le gouvernement se tourne vers d'autres types de financement, comme la taxe de vente ou la tarification (permis de conduire, hydro-électricité, taxes sur l'essence) où la progressivité n'est pas toujours présente. Ou encore, le fait que l'impôt à payer augmente ou diminue n'est pas seulement dû à la volonté du gouvernement, cela peut notamment être dû à l'utilisation ou non de certaines déductions fiscales (les REER par exemple).
Mais l'idée derrière ce billet est de montrer que contrairement à une idée reçue, les baisses d'impôt ont profité à presque tout le monde, proportionnellement à leur revenu, et que l'allègement du fardeau de l'impôt sur le revenu n'a pas été plus important pour un groupe plus qu'un autre.
Enfin, c'est ce que je vois en regardant les chiffres officiels de Revenu Québec. Si vous y voyez autres choses, n'hésitez pas à le partager.
Note: pour des raisons évidentes, on ne peut pas regarder les chiffres pour un revenu précis (50 000 $ par exemple). Il faut plutôt regarder pour des fourchettes de revenus. Aussi, de simplement regarder l’évolution des « 100 000 $ et plus » serait d’aucun intérêt puisque ce groupe grossit d’une année à l’autre, simplement parce que les revenus augmentent. C'est pourquoi je coupe la population des contribuables en deux groupes (80% et 20%) et je maintiens cette séparation au fil des ans.
Idée contre-intuitive, n'est-ce pas? Alors, voici donc ce que l'on trouve dans les Statistiques fiscales des particuliers de Revenu Québec (pour lesquelles, malheureusement, 2009 est la dernière année disponible).
Tout d'abord, deux définitions:
- Le revenu total, c'est la ligne 199 de votre déclaration de revenus québécoises. Ce n'est pas seulement les revenus d'emploi, mais aussi les prestations d'AE, du RRQ, les pensions de vieillesse, les retraits aux REER, les dividendes imposables, les revenus de placements (dont les intérêts), les gains en capital imposables, les bourses d'études, etc. Bref, les lignes 101 à 164 de votre déclaration de revenus.
- L'impôt à payer, c'est la ligne 432 de votre déclaration de revenus.
Alors, sans surprise, lorsqu'on regarde l'évolution du revenu total de 1999 à 2009, on assiste à une augmentation constante, signe de la croissance de la population, des prix (car il s'agit de dollars courants) et de l'économie en générale.
Et voici le même graphique pour l'impôt à payer au gouvernement du Québec. On voit que malgré les baisses d'impôt, les montants que rapporte l'impôt ont, d'une manière générale, augmentés:
En fait, si l'impôt des particuliers a diminué, c'est en proportion du revenu total, soit le taux d'imposition moyen (de 11,2% en 1999 à 9,2% en 2009). Notez que c'est dans les premières années de la décennie que la baisse a été la plus importante (de 11,2% en 1999 à 9,4% en 2003):
Donc, l'impôt à payer, en proportion des revenus a effectivement diminué. Mais pour qui? Pour les faibles revenus? Pour les hauts revenus? Ou la classe moyenne?
C'est là que, dans mon dernier billet, je disais que les résultats m'avaient surpris. Parce que le tout est au beau fixe. Regardez les graphiques suivants. Avez-vous déjà vu des graphiques aussi ennuyants?
À gauche, c'est simplement la répartition du revenu total, entre le "top-20%" et le reste.
Entre 1999 et 2009, la part du revenu total absorbée par le 20% le plus riche a oscillé entre 50,2% et 51,6%. En 2009, le chiffre était de 50,9%. Et le 80% restant récoltait la différence.
À droite, c'est la répartition de l'impôt à payer, toujours entre le "top-20%" et le reste.
Entre 1999 et 2009, la part de l'impôt payée par le 20% le plus riche a oscillé entre 69,2% et 71,7%. En 2009, le chiffre était de 70,3%. Et le 80% restant payait la différence.
En d'autres mots, aucun changement majeur.
Côté revenus, on ne peut pas vraiment dire qu'il y a eu enrichissement des riches aux dépends du reste. Du moins, pas du 20% le plus riche. Si, par exemple, le 1% le plus riche s'est enrichi, c'est principalement aux dépends du 19% suivant.
Côté impôt, c'est vrai que le 20% le plus riche paie moins d'impôt en 2009 qu'en 1999. Le taux moyen est passé de 15,4% à 12,7%. Mais ce taux moyen a diminué pour tout le monde. Le choix voulant que si les impôts diminuent, ceux qui en profitent soient ceux qui en paient, a été respecté. De sorte que, sur l'impôt total auprès des particuliers (deuxième graphique), la part du 20% le plus riche n'a pas diminué, ni augmenté. Et d'autres mots, la baisse de l'impôt a été (presque) proportionnelle au revenu. Encore en d'autres mots, la baisse n'est ni progressive, ni régressive.
Je dis "presque" proportionnelle au revenu car pas parfaitement. Les montants en jeu sont les suivants. Si la part payée par le 20% le plus riche était demeuré au niveau de 1999, ils auraient payé 279 millions de moins en impôt. Si toutefois la part payée était demeuré au niveau de 2003, ils auraient payé 237 millions de plus en impôt. Il s'agit toutefois d'une évaluation statique, extrêmement simpliste.
MAIS, il y a plusieurs de "mais" à ce billet. Par exemple: la baisse de l'impôt a impliqué que le gouvernement se tourne vers d'autres types de financement, comme la taxe de vente ou la tarification (permis de conduire, hydro-électricité, taxes sur l'essence) où la progressivité n'est pas toujours présente. Ou encore, le fait que l'impôt à payer augmente ou diminue n'est pas seulement dû à la volonté du gouvernement, cela peut notamment être dû à l'utilisation ou non de certaines déductions fiscales (les REER par exemple).
Mais l'idée derrière ce billet est de montrer que contrairement à une idée reçue, les baisses d'impôt ont profité à presque tout le monde, proportionnellement à leur revenu, et que l'allègement du fardeau de l'impôt sur le revenu n'a pas été plus important pour un groupe plus qu'un autre.
Enfin, c'est ce que je vois en regardant les chiffres officiels de Revenu Québec. Si vous y voyez autres choses, n'hésitez pas à le partager.
Note: pour des raisons évidentes, on ne peut pas regarder les chiffres pour un revenu précis (50 000 $ par exemple). Il faut plutôt regarder pour des fourchettes de revenus. Aussi, de simplement regarder l’évolution des « 100 000 $ et plus » serait d’aucun intérêt puisque ce groupe grossit d’une année à l’autre, simplement parce que les revenus augmentent. C'est pourquoi je coupe la population des contribuables en deux groupes (80% et 20%) et je maintiens cette séparation au fil des ans.
vendredi 12 octobre 2012
Qui a profité des baisses d'impôt 1
À plusieurs reprises au cours des dernières semaines, je me suis retrouvé face à face avec ce tableau. Une compilation de La Presse Affaires, selon la source.
Pour plusieurs ayant partagé ce tableau, le message semblait être quelque chose comme : les riches ont déjà payé plus d’impôt, et ils n’ont pas quitté le Québec pour autant. Ou encore qu'ils ont été les premiers bénéficiaires des baisses d’impôt des dernières années (après tout, on voit clairement que le montant de la baisse est plus important pour les hauts revenus).
Pourtant, il serait facile d’objecter que : l’époque où les riches payaient plus d’impôt était une époque où tout le monde payait plus d’impôt, et que la baisse de celui-ci, entre 2000 et 2010, a d’abord profité aux faibles revenus.
Il faut sortir une calculatrice mais en effet, on voit que l’impôt pour un contribuable dont le revenu imposable était de 20 000 $ a diminué de 47%. Tandis que celui pour un contribuable dont le revenu imposable était de 1 000 000 $ a diminué de « seulement » 8,8%. Ici, comme pour ce qui suit, je ne fais référence qu'aux chiffres relatifs à l'impôt provincial du Québec (la partie droite du tableau).
Ou sous un autre angle, la baisse de l’impôt en proportion du revenu imposable représentait 4,9% pour ceux ayant un revenu imposable de 20 000 $ tandis qu’elle représentait moins de 2,3% pour tous ceux ayant un revenu imposable de 1 000 000 $ et plus.
Ainsi, en 2010, après la baisse donc, le contribuable dont le revenu imposable était de 20 000 $ payait 5,5% en impôt provincial, celui dont le revenu imposable était de 100 000 $ en payait 17,3%, et celui dont le revenu imposable était de 1 000 000 $ en payait 23,3%.
Mais le problème, c’est que les chiffres dans ce tableau, et donc les constats qui en découlent (incluant tout ce qui précède), ne veulent rien dire.
Il y a d’abord cette idée de bêtement comparer un revenu en 2000 avec le même revenu en 2010. Entre 2000 et 2010, les prix ont augmenté de 19,8% au Québec. Par ailleurs, le revenu total des ménages québécois, durant cette même période, a augmenté de 30,2%.
Mais pour moi, le plus gros problème est que ce tableau fait référence non pas à ce que les choses ont été, mais plutôt à une grossière approximation de ce que les choses auraient pu être dans un monde sans crédits d’impôt (crédits pour les cotisations obligatoires, pour les frais de scolarité, pour personne à charge, pour frais de garde, pour les soins médicaux, etc.)
Qu’à cela ne tienne, en regardant ce tableau, en voyant que les montants de la baisse d’impôt n’étaient pas proportionnels aux revenus, je me suis demandé si, malgré l’apparence d’une baisse d’impôt ayant surtout profité aux riches, ceux-ci ne contribuaient pas plus aujourd’hui que 10 ans plus tôt.
Personnellement, je ne m'attendrais pas aux résultats, que je vais exposer dans mon prochain billet. Résultats qui seront basés sur les vrais chiffres, c’est-à-dire ceux des Statistiques fiscales des particuliers de Revenu Québec.
Pour plusieurs ayant partagé ce tableau, le message semblait être quelque chose comme : les riches ont déjà payé plus d’impôt, et ils n’ont pas quitté le Québec pour autant. Ou encore qu'ils ont été les premiers bénéficiaires des baisses d’impôt des dernières années (après tout, on voit clairement que le montant de la baisse est plus important pour les hauts revenus).
Pourtant, il serait facile d’objecter que : l’époque où les riches payaient plus d’impôt était une époque où tout le monde payait plus d’impôt, et que la baisse de celui-ci, entre 2000 et 2010, a d’abord profité aux faibles revenus.
Il faut sortir une calculatrice mais en effet, on voit que l’impôt pour un contribuable dont le revenu imposable était de 20 000 $ a diminué de 47%. Tandis que celui pour un contribuable dont le revenu imposable était de 1 000 000 $ a diminué de « seulement » 8,8%. Ici, comme pour ce qui suit, je ne fais référence qu'aux chiffres relatifs à l'impôt provincial du Québec (la partie droite du tableau).
Ou sous un autre angle, la baisse de l’impôt en proportion du revenu imposable représentait 4,9% pour ceux ayant un revenu imposable de 20 000 $ tandis qu’elle représentait moins de 2,3% pour tous ceux ayant un revenu imposable de 1 000 000 $ et plus.
Ainsi, en 2010, après la baisse donc, le contribuable dont le revenu imposable était de 20 000 $ payait 5,5% en impôt provincial, celui dont le revenu imposable était de 100 000 $ en payait 17,3%, et celui dont le revenu imposable était de 1 000 000 $ en payait 23,3%.
Mais le problème, c’est que les chiffres dans ce tableau, et donc les constats qui en découlent (incluant tout ce qui précède), ne veulent rien dire.
Il y a d’abord cette idée de bêtement comparer un revenu en 2000 avec le même revenu en 2010. Entre 2000 et 2010, les prix ont augmenté de 19,8% au Québec. Par ailleurs, le revenu total des ménages québécois, durant cette même période, a augmenté de 30,2%.
Mais pour moi, le plus gros problème est que ce tableau fait référence non pas à ce que les choses ont été, mais plutôt à une grossière approximation de ce que les choses auraient pu être dans un monde sans crédits d’impôt (crédits pour les cotisations obligatoires, pour les frais de scolarité, pour personne à charge, pour frais de garde, pour les soins médicaux, etc.)
Qu’à cela ne tienne, en regardant ce tableau, en voyant que les montants de la baisse d’impôt n’étaient pas proportionnels aux revenus, je me suis demandé si, malgré l’apparence d’une baisse d’impôt ayant surtout profité aux riches, ceux-ci ne contribuaient pas plus aujourd’hui que 10 ans plus tôt.
Personnellement, je ne m'attendrais pas aux résultats, que je vais exposer dans mon prochain billet. Résultats qui seront basés sur les vrais chiffres, c’est-à-dire ceux des Statistiques fiscales des particuliers de Revenu Québec.
samedi 29 septembre 2012
Taux d'imposition aux États-Unis
Certains ont cru à une erreur de ma part lorsque je référais à un taux
marginal d’imposition de 70% aux États-Unis dans les années 70. Mais ce n’était pas une erreur.
Dans un pays où l’on semble faire preuve d’une certaine indulgence
fiscale à l'égard des riches, il est difficile de croire que jusqu’au début des
années 80, la fiscalité américaine était plutôt « agressive » envers ceux-ci. C’était pourtant le cas.
Voici l’évolution du taux marginal maximal du gouvernement fédéral
américain:
Le graphique commence en 1950. Avant 1950, à cause des deux guerres et
de la grande dépression, le taux marginal maximal était plutôt volatile :
de 7% à 77%, puis à 25%, puis à 94%.
Pendant 18 ans, sous Truman (démocrate), Eisenhower (républicain) et
Kennedy (démocrate), le plus haut taux d’imposition s’est maintenu à 91% (sauf
deux années à 92%). Oui, 91%! Même les républicains d' Eisenhower, au cours de leurs deux mandats, n'ont pas cru nécessaire de changer cela.
C’est en 1964, sous les démocrates, que ce taux est réduit à
70%. Il y restera pendant 17 ans, sous Nixon (républicain), Ford (républicain)
et Carter (démocrate).
Puis arriva Reagan (un républicain, redéfinissant au passage le terme) : le
plus haut taux d’imposition marginal passa de 70% à 28%. Ce taux est ensuite
remonté, mais n’a jamais dépassé les 40%.
À partir de 2012, la ligne se sépare en deux. Vous comprendrez qu’il
s’agit des intentions du vainqueur de la prochaine élection présidentielle
américaine.
Pour être juste, voici à partir de quel revenu (en dollars de 2011) ce
taux s’appliquait. En diminution quasi-constante, pour finalement se stabiliser,
en 1993, un peu en-deçà de 400 000$:
La baisse de plus haut taux marginal d’imposition s’est également accompagnée d’une baisse du nombre de paliers d’imposition. De plus de vingt jusqu’en 1978, jusqu’à seulement deux à la fin du 2e mandat de Reagan. Ce nombre est depuis remonté à six.
Voici les taux marginal et moyen d’imposition du gouvernement fédéral
américain en 1976. Pourquoi 1976? Parce qu'il fallait choisir une année, alors 1976: la fin d’un règne
républicain (à l’époque où ce parti était fréquentable) et juste après les Trente Glorieuses.
Le 25e et dernier palier d’imposition, dont le taux marginal était de 70%, était
atteint avec un revenu de 788 681$ (en dollars de 2011). Quant au taux moyen
d’imposition, on voit que les riches pouvaient réellement payer plus que 50%
d’impôt.
Trois constats : il y a en 2011 beaucoup moins de paliers d'imposition qu’en 1976. On atteint le dernier palier beaucoup plus rapidement. Et
tous ces paliers sont imposés à des taux beaucoup plus faibles. Forcément, le
taux moyen est aussi beaucoup plus bas en 2011 que 35 ans plus tôt.
En passant, à tous ces taux, il faut ajouter les impôts des états, bien que
celui-ci soient moins importants que les impôts provinciaux au Canada, a fortiori
ceux du Québec.
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