vendredi 14 décembre 2012

Le pétrole et nous 2

Dans mon dernier billet, j’ai sommairement exposé les causes d’un phénomène nouveau, soit la divergence marquée depuis le début de 2011 entre les deux prix du pétrole, le WTI et le BRENT.

Au Canada, ce phénomène prend une importance particulière étant donné qu’au niveau de l’approvisionnement de pétrole, le Canada est divisé en deux (par la ligne Borden) : le Québec et les provinces atlantiques s’approvisionnent en pétrole d’Europe et d’Afrique (prix du BRENT), tandis que l’Ontario et les provinces de l’ouest s’approvisionnent en pétrole nord-américain (prix du WTI).

Comme le BRENT s’est négocié en moyenne 16$ de plus que le WTI depuis janvier 2011, soit plus ou moins 10¢ le litre, on aurait pu s’attendre à ce que les pétrolières refilent cette hausse aux consommateurs de l’est. Or, que s’est-il produit? Les pétrolières ont effectivement refilé cette hausse aux consommateurs... mais à ceux de l'ouest, diminuant au passage leurs marges au Québec et dans les provinces Atlantiques!

C’est ce que l’on constate en observant les données du Ministère des Ressources naturelles du Canada. Il suffit de distinguer les trois composantes du prix de l’essence :
  • Le pétrole brut, dont le prix est déterminé par les marchés (et non par les pétrolières);
  • Les coûts et les marges du raffineur et du négociant;
  • Les taxes fédérales et provinciales. Certaines sont fédérales et s’appliquent partout (la taxe d’accise de 10¢ le litre et la TPS de 5%), d’autres provinciales (les taxes d’accise et les taxes de ventes provinciales) ou régionales (comme la taxe de 3¢ le litre à Montréal et dans ses environs, ou celle de 9¢ le litre à Vancouver).
Voici un graphique qui montre la part de ces composantes dans le prix à la pompe de l’essence ordinaire dans cinq villes canadiennes (trois à l’ouest et deux à l’est), pour 2010.



En 2010, l’absence de divergence entre le prix du WTI et celui du BRENT se reflète sur le prix du brut – il est le même partout : 49¢ le litre. Les coûts et marges du raffineur et du négociant, pour leur part, varient peu d’une ville à l’autre : plus ou moins 2¢ par rapport à la moyenne canadienne de 21¢. Finalement, la taxation est le facteur expliquant les différences entre les villes : faible à Calgary, élevée à Vancouver et Montréal.

L’écart moyen entre le BRENT et le WTI a été de 0,12$ en 2010. Or, en 2011, il était de 16,39$. Et le graphique montre bien cette divergence.



En 2011, le pétrole brut représente 60¢ le litre dans les villes de l’ouest, mais 69¢ le litre  dans les villes de l’est. Comme je disais au début, on se serait attendu à ce que à ce que les prix (avant taxes) deviennent plus élevés dans l’est que dans l’ouest.

Or, il n’en est rien. Les marges ont été gonflées dans l’ouest (25¢ à 27¢), et réduites dans l’est (14¢ et 15¢). De sorte qu’au final, l’essence (toujours avant taxes) demeure moins chère dans l’est que dans l’ouest!

Et finalement, les taxes expliquent encore une fois la différence entre les villes. De 24¢ à Calgary jusqu’à 46¢ à Montréal.

On pourrait évidemment arguer que les pétrolières ont sacrifié leurs marges dans 25% de leur marché pour les augmenter dans le 75% restant. Mais du point du vue du Québec, vous conviendrez qu’il ne s’agit pas d’une mauvaise chose.

En 2010, l’essence à Montréal se vendait 6¢ de plus le litre qu’à Toronto. En 2011, l’essence à Montréal se vendait 7¢ de plus le litre qu’à Toronto, une augmentation due à la hausse de la taxe d’accise du Québec de… 1¢.

Si Montréal et Toronto avaient payé leur essence selon leurs marges respectives de 2010, l’écart aurait été de 15¢, soit le double.

Insignifiant? En 2011 seulement, la différence entre ces marges a représenté une économie 285 millions de dollars pour les automobilistes québécois! Et une dépense supplémentaire de 765 millions de dollars pour les automobilistes ontariens!

N'oubliez pas de remercier les Shell, Petro-Canada, Ultramar et Esso de ce monde la prochaine fois que vous faites le plein.


Finalement, un mot sur les fluctuations du prix de l'essence. Il faut comprendre que les taxes, même si elles représentent une part importante du prix de l’essence, n’explique pas la variation du prix de celle-ci. La plus grande partie de la taxation de l’essence est fixe: les taxes d'accise fédérale et québécoise sont de 10¢ et 17,2¢ respectivement, indépendamment du prix avant taxes. Seules les TVA (TPS et TVQ, dans le cas du Québec), varient conjointement avec le prix de l'essence. Mais leur effet est marginal. Voici les composantes du prix de l’essence pour les onze premiers mois de l'année 2012:


On voit très clairement que si les taxes comptent pour une proportion importante du prix à la pompe (plus ou moins 48¢ au cours de la période visée), la variation du prix final est principalement due aux fluctuations du prix du pétrole brut et aux marges des raffineur et négociant.

Une autre chose à garder en tête lorsque vous faites le plein!




vendredi 23 novembre 2012

Le pétrole et nous 1

Tout d’abord, il faut comprendre qu’il existe deux références lorsque l’on parle du prix du pétrole brut : le WTI et le BRENT. Le WTI (West Texas Intermediate) réfère d’abord au marché américain tandis que le BRENT (acronyme de Broom, Rannock, Etive, Ness et Tarbert, champs pétrolifères dans la Mer du Nord) est un pétrole plus international.

Il s’agit de deux pétroles de bonne qualité, bien que celle du WTI soit légèrement supérieure à celle du BRENT (respectivement 0,24% et 0,37% de sulfure). Historiquement, le prix du BRENT suivait de très près le prix du WTI. En fait, le prix du BRENT était légèrement inférieur à celui du WTI, étant donné sa qualité moindre, mais rien de très important (1,39$ d’écart en moyenne de 1987 à 2010). Ainsi, la distinction entre les deux n’était pas vraiment pertinente et le prix du WTI, négocié à New York, était considéré comme le « vrai » prix du pétrole.



Or depuis le début de 2011, ce n’est plus le cas. Le prix du BRENT a dépassé le prix du WTI, est de loin.



Cet écart, de 16$ en moyenne entre janvier 2011 et octobre 2012 a même atteint plus de 27$ en septembre 2011.



Pourquoi? Principalement deux raisons. L’une poussant le prix du BRENT à la hausse, et l’autre poussant le prix du WTI à la baisse.

Premièrement, la principale raison poussant le prix du BRENT à la hausse: le printemps arabe. Les tensions découlant du printemps arabe ont déstabilisé la production de pétrole du Maghreb et partiellement interrompu les livraisons à l’Europe. Celle-ci s’est alors tournée vers le pétrole de la Mer du Nord, déclenchant une hausse du prix du BRENT. Il y a aussi eu de la spéculation quant aux possibles implications de la fermeture du Canal de Suez et les sanctions face à l’Iran.

Ensuite, la principale raison poussant les prix du WTI à la baisse : le syndrome de Cushing. Cushing est une petite ville en Oklahoma où convergent la plupart des oléoducs. Un genre de « hub » pétrolier. Le problème, c’est que dû à un ralentissement de la consommation américaine et devant l’impossibilité d’arrêter le flux dans les oléoducs, il y a une accumulation importante des stocks de pétrole dans ce « hub ». En présence de surplus, la capacité de stockage étant atteinte, le prix chute.

C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’Enbridge a renversé, en juin 2012, le flot de l’oléoduc Seaway, afin de maintenant transporter le pétrole de Cushing vers les ports du Golfe du Mexique plutôt que l’inverse. C’est toujours dans ce contexte qu’Enbridge veut inverser le flux de son oléoduc 9 entre Sarnia et Montréal. Et c’est encore dans ce contexte que TransCanada veut construire son oléoduc Keystone XL permettant d’acheminer le pétrole de l’Alberta jusqu’au Golfe du Mexique (en contournant bien sûr Cushing).

Et il y a une autre chose qu’il faut savoir. En 1961, sous Diefenbaker, il a été décidé qu’une ligne entre le Québec et l’Ontario séparerait le Canada en deux, la ligne Borden. Du côté ouest, les raffineries seraient approvisionnées par le pétrole de l’ouest et des États-Unis (donc le WTI), tandis que du côté est, elles seraient approvisionnées par le pétrole d’outre-mer (le BRENT).

Ainsi, au Québec spécifiquement, c’est le cours du BRENT qui influence le prix à la pompe (le prix du pétrole brut contribuant de façon importante au prix de l’essence). Pendant des décennies, cela n’a pas causé problème.

Mais voilà que depuis 2011, le prix du BRENT est en moyenne 16$ plus élevé que le WTI. Une différence d’environ 10¢ le litre. On se serait attendu à ce que les pétrolières refilent cette hausse aux consommateurs. Or, que s’est-il produit? Les pétrolières ont effectivement refilé cette hausse aux consommateurs... mais à ceux de l'ouest, diminuant au passage leur marge au Québec et dans les provinces Atlantiques!

J’y reviendrai dans mon prochain billet.


lundi 15 octobre 2012

Qui a profité des baisses d'impôt 2

Je disais l'autre jour qu'en observant les chiffres d'un tableau ayant largement circulé via les médias sociaux, je m'étais demandé si, malgré l’apparence d’une baisse d’impôt ayant surtout profité aux riches, ceux-ci ne contribuaient pas plus aujourd’hui que 10 ans plus tôt.

Idée contre-intuitive, n'est-ce pas? Alors, voici donc ce que l'on trouve dans les Statistiques fiscales des particuliers de Revenu Québec (pour lesquelles, malheureusement, 2009 est la dernière année disponible).

Tout d'abord, deux définitions:

  • Le revenu total, c'est la ligne 199 de votre déclaration de revenus québécoises. Ce n'est pas seulement les revenus d'emploi, mais aussi les prestations d'AE, du RRQ, les pensions de vieillesse, les retraits aux REER, les dividendes imposables, les revenus de placements (dont les intérêts), les gains en capital imposables, les bourses d'études, etc. Bref, les lignes 101 à 164 de votre déclaration de revenus.
  • L'impôt à payer, c'est la ligne 432 de votre déclaration de revenus.

Alors, sans surprise, lorsqu'on regarde l'évolution du revenu total de 1999 à 2009, on assiste à une augmentation constante, signe de la croissance de la population, des prix (car il s'agit de dollars courants) et de l'économie en générale.



Et voici le même graphique pour l'impôt à payer au gouvernement du Québec. On voit que malgré les baisses d'impôt, les montants que rapporte l'impôt ont, d'une manière générale, augmentés:



En fait, si l'impôt des particuliers a diminué, c'est en proportion du revenu total, soit le taux d'imposition moyen (de 11,2% en 1999 à 9,2% en 2009). Notez que c'est dans les premières années de la décennie que la baisse a été la plus importante (de 11,2% en 1999 à 9,4% en 2003):



Donc, l'impôt à payer, en proportion des revenus a effectivement diminué. Mais pour qui? Pour les faibles revenus? Pour les hauts revenus? Ou la classe moyenne?

C'est là que, dans mon dernier billet, je disais que les résultats m'avaient surpris. Parce que le tout est au beau fixe. Regardez les graphiques suivants. Avez-vous déjà vu des graphiques aussi ennuyants?



À gauche, c'est simplement la répartition du revenu total, entre le "top-20%" et le reste.
Entre 1999 et 2009, la part du revenu total absorbée par le 20% le plus riche a oscillé entre 50,2% et 51,6%. En 2009, le chiffre était de 50,9%. Et le 80% restant récoltait la différence.

À droite, c'est la répartition de l'impôt à payer, toujours entre le "top-20%" et le reste.
Entre 1999 et 2009, la part de l'impôt payée par le 20% le plus riche a oscillé entre 69,2% et 71,7%. En 2009, le chiffre était de 70,3%. Et le 80% restant payait la différence.

En d'autres mots, aucun changement majeur.

Côté revenus, on ne peut pas vraiment dire qu'il y a eu enrichissement des riches aux dépends du reste. Du moins, pas du 20% le plus riche. Si, par exemple, le 1% le plus riche s'est enrichi, c'est principalement aux dépends du 19% suivant.

Côté impôt, c'est vrai que le 20% le plus riche paie moins d'impôt en 2009 qu'en 1999. Le taux moyen est passé de 15,4% à 12,7%. Mais ce taux moyen a diminué pour tout le monde. Le choix voulant que si les impôts diminuent, ceux qui en profitent soient ceux qui en paient, a été respecté. De sorte que, sur l'impôt total auprès des particuliers (deuxième graphique), la part du 20% le plus riche n'a pas diminué, ni augmenté. Et d'autres mots, la baisse de l'impôt a été (presque) proportionnelle au revenu. Encore en d'autres mots, la baisse n'est ni progressive, ni régressive.

Je dis "presque" proportionnelle au revenu car pas parfaitement. Les montants en jeu sont les suivants. Si la part payée par le 20% le plus riche était demeuré au niveau de 1999, ils auraient payé 279 millions de moins en impôt. Si toutefois la part payée était demeuré au niveau de 2003, ils auraient payé 237 millions de plus en impôt. Il s'agit toutefois d'une évaluation statique, extrêmement simpliste.

MAIS, il y a plusieurs de "mais" à ce billet. Par exemple: la baisse de l'impôt a impliqué que le gouvernement se tourne vers d'autres types de financement, comme la taxe de vente ou la tarification (permis de conduire, hydro-électricité, taxes sur l'essence) où la progressivité n'est pas toujours présente. Ou encore, le fait que l'impôt à payer augmente ou diminue n'est pas seulement dû à la volonté du gouvernement, cela peut notamment être dû à l'utilisation ou non de certaines déductions fiscales (les REER par exemple).

Mais l'idée derrière ce billet est de montrer que contrairement à une idée reçue, les baisses d'impôt ont profité à presque tout le monde, proportionnellement à leur revenu, et que l'allègement du fardeau de l'impôt sur le revenu n'a pas été plus important pour un groupe plus qu'un autre.

Enfin, c'est ce que je vois en regardant les chiffres officiels de Revenu Québec. Si vous y voyez autres choses, n'hésitez pas à le partager.



Note: pour des raisons évidentes, on ne peut pas regarder les chiffres pour un revenu précis (50 000 $ par exemple). Il faut plutôt regarder pour des fourchettes de revenus. Aussi, de simplement regarder l’évolution des « 100 000 $ et plus » serait d’aucun intérêt puisque ce groupe grossit d’une année à l’autre, simplement parce que les revenus augmentent. C'est pourquoi je coupe la population des contribuables en deux groupes (80% et 20%) et je maintiens cette séparation au fil des ans.

vendredi 12 octobre 2012

Qui a profité des baisses d'impôt 1

À plusieurs reprises au cours des dernières semaines, je me suis retrouvé face à face avec ce tableau. Une compilation de La Presse Affaires, selon la source.



Pour plusieurs ayant partagé ce tableau, le message semblait être quelque chose comme : les riches ont déjà payé plus d’impôt, et ils n’ont pas quitté le Québec pour autant. Ou encore qu'ils ont été les premiers bénéficiaires des baisses d’impôt des dernières années (après tout, on voit clairement que le montant de la baisse est plus important pour les hauts revenus).

Pourtant, il serait facile d’objecter que : l’époque où les riches payaient plus d’impôt était une époque où tout le monde payait plus d’impôt, et que la baisse de celui-ci, entre 2000 et 2010, a d’abord profité aux faibles revenus.

Il faut sortir une calculatrice mais en effet, on voit que l’impôt pour un contribuable dont le revenu imposable était de 20 000 $ a diminué de 47%. Tandis que celui pour un contribuable dont le revenu imposable était de 1 000 000 $ a diminué de « seulement » 8,8%. Ici, comme pour ce qui suit, je ne fais référence qu'aux chiffres relatifs à l'impôt provincial du Québec (la partie droite du tableau).

Ou sous un autre angle, la baisse de l’impôt en proportion du revenu imposable représentait 4,9% pour ceux ayant un revenu imposable de 20 000 $ tandis qu’elle représentait moins de 2,3% pour tous ceux ayant un revenu imposable de 1 000 000 $ et plus.

Ainsi, en 2010, après la baisse donc, le contribuable dont le revenu imposable était de 20 000 $ payait 5,5% en impôt provincial, celui dont le revenu imposable était de 100 000 $ en payait 17,3%, et celui dont le revenu imposable était de 1 000 000 $ en payait 23,3%.

Mais le problème, c’est que les chiffres dans ce tableau, et donc les constats qui en découlent (incluant tout ce qui précède), ne veulent rien dire.

Il y a d’abord cette idée de bêtement comparer un revenu en 2000 avec le même revenu en 2010. Entre 2000 et 2010, les prix ont augmenté de 19,8% au Québec. Par ailleurs, le revenu total des ménages québécois, durant cette même période, a augmenté de 30,2%.

Mais pour moi, le plus gros problème est que ce tableau fait référence non pas à ce que les choses ont été, mais plutôt à une grossière approximation de ce que les choses auraient pu être dans un monde sans crédits d’impôt (crédits pour les cotisations obligatoires, pour les frais de scolarité, pour personne à charge, pour frais de garde, pour les soins médicaux, etc.)

Qu’à cela ne tienne, en regardant ce tableau, en voyant que les montants de la baisse d’impôt n’étaient pas proportionnels aux revenus, je me suis demandé si, malgré l’apparence d’une baisse d’impôt ayant surtout profité aux riches, ceux-ci ne contribuaient pas plus aujourd’hui que 10 ans plus tôt.

Personnellement, je ne m'attendrais pas aux résultats, que je vais exposer dans mon prochain billet. Résultats qui seront basés sur les vrais chiffres, c’est-à-dire ceux des Statistiques fiscales des particuliers de Revenu Québec.




samedi 29 septembre 2012

Taux d'imposition aux États-Unis


Certains ont cru à une erreur de ma part lorsque je référais à un taux marginal d’imposition de 70% aux États-Unis dans les années 70. Mais ce n’était pas une erreur.

Dans un pays où l’on semble faire preuve d’une certaine indulgence fiscale à l'égard des riches, il est difficile de croire que jusqu’au début des années 80, la fiscalité américaine était plutôt « agressive » envers ceux-ci. C’était pourtant le cas.

Voici l’évolution du taux marginal maximal du gouvernement fédéral américain:



Le graphique commence en 1950. Avant 1950, à cause des deux guerres et de la grande dépression, le taux marginal maximal était plutôt volatile : de 7% à 77%, puis à 25%, puis à 94%.

Pendant 18 ans, sous Truman (démocrate), Eisenhower (républicain) et Kennedy (démocrate), le plus haut taux d’imposition s’est maintenu à 91% (sauf deux années à 92%). Oui, 91%! Même les républicains d'Eisenhower, au cours de leurs deux mandats, n'ont pas cru nécessaire de changer cela.

C’est en 1964, sous les démocrates, que ce taux est réduit à 70%. Il y restera pendant 17 ans, sous Nixon (républicain), Ford (républicain) et Carter (démocrate).

Puis arriva Reagan (un républicain, redéfinissant au passage le terme) : le plus haut taux d’imposition marginal passa de 70% à 28%. Ce taux est ensuite remonté, mais n’a jamais dépassé les 40%.

À partir de 2012, la ligne se sépare en deux. Vous comprendrez qu’il s’agit des intentions du vainqueur de la prochaine élection présidentielle américaine.

Pour être juste, voici à partir de quel revenu (en dollars de 2011) ce taux s’appliquait. En diminution quasi-constante, pour finalement se stabiliser, en 1993, un peu en-deçà de 400 000$:




La baisse de plus haut taux marginal d’imposition s’est également accompagnée d’une baisse du nombre de paliers d’imposition. De plus de vingt jusqu’en 1978, jusqu’à seulement deux à la fin du 2e mandat de Reagan. Ce nombre est depuis remonté à six.

Voici les taux marginal et moyen d’imposition du gouvernement fédéral américain en 1976. Pourquoi 1976? Parce qu'il fallait choisir une année, alors 1976: la fin d’un règne républicain (à l’époque où ce parti était fréquentable) et juste après les Trente Glorieuses.



Le 25e et dernier palier d’imposition, dont le taux marginal était de 70%, était atteint avec un revenu de 788 681$ (en dollars de 2011). Quant au taux moyen d’imposition, on voit que les riches pouvaient réellement payer plus que 50% d’impôt.

Voici maintenant les mêmes taux pour 1976, superposés à ceux de 2011.



Trois constats : il y a en 2011 beaucoup moins de paliers d'imposition qu’en 1976. On atteint le dernier palier beaucoup plus rapidement. Et tous ces paliers sont imposés à des taux beaucoup plus faibles. Forcément, le taux moyen est aussi beaucoup plus bas en 2011 que 35 ans plus tôt.

En passant, à tous ces taux, il faut ajouter les impôts des états, bien que celui-ci soient moins importants que les impôts provinciaux au Canada, a fortiori ceux du Québec.





jeudi 27 septembre 2012

Taux d'imposition marginal et moyen


Dans mon billet d’hier, j’ai souligné l’importance de différencier taux marginal d’imposition et taux moyen d’imposition. Cette différence est capitale afin de comprendre qui paie combien d’impôt.

Tout d’abord, le taux marginal d’imposition est le taux d'imposition appliqué au dernier dollar de revenu. Si mon taux marginal est de 50%, ça veut simplement dire que mon ou mes derniers dollars sont imposés à 50%. Mais pas nécessairement les premiers dollars, ni ceux du milieu, l'impôt sur le revenu étant progressif.

Le taux moyen d’imposition est simplement le ratio de l’impôt total sur le revenu total.

Par exemple, au Québec, au niveau provincial, le taux marginal pour un revenu de 50 000$ est de 20%.
Toutefois, de 0$ à 13 656$, le taux est de 0% et ce, pour absolument tout le monde.
Ensuite, de 13 657$ à 40 100$, le taux d’imposition est de 16%.
Et finalement, de 40 101$ à 50 000$, le taux d’imposition est 20%.
Ainsi (avant les déductions fiscales et les crédits d’impôt) l’impôt provincial sur ce revenu de 50 000$ sera de 6211$, soit environ 12% du revenu.

Ainsi, on a ici un contribuable dont le taux marginal d’imposition est de 20%, mais dont le taux moyen d’imposition est de 12%.

Mathématiquement, le taux moyen sera toujours inférieur au taux marginal.

Visuellement, ça donne ceci :



Alors, on voit bien en bleu les quatre paliers de l'impôt sur le revenu du Québec:
0% pour les revenus de 13 656$ et moins;
16% pour les revenus de 13 657$ à 40 100$;
20% pour les revenus de 40 101$ à 80 200$;
24% pour les revenus de 80 201$ et plus.

Et en rouge, c'est le taux moyen selon le revenu.
10% vers 32 000$;
15% vers 70 000$;
17,5% vers 100 000$;
20% vers 165 000$.

Il faut noter que ce taux moyen est à la limite supérieure de ce qu'il peut être. En effet, toute déduction fiscale (cotisations à un REER, à un RPA) ou tout crédit d’impôt (montant pour enfant à charge, pour le transport en commun) permet de réduire l’impôt à payer, donc le taux moyen.

Mais, comme on ne paie pas de l'impôt qu'au gouvernement du Québec, voici maintenant le même graphique, en tenant compte de l'impôt fédéral (et bien sûr de l'abattement fédéral au Québec):



Lorsqu’on demande à un Québécois quel pourcentage de son revenu part en impôt, spontanément, il répond généralement 50%. C'est d'abord mathématiquement impossible. Et les mathématiques ayant toujours raison: absolument personne au Canada, ni même nos milliardaires, ne paie 50% en impôt.

En effet, la réalité est que tout revenu de mois de 80 000$ implique un taux d'imposition moyen de moins de 30%. Un contribuable gagnant 135 000$, même si son taux marginal fédéral-provincial est de 48,2%, a un taux moyen d'imposition de 36%.

Alors, pourquoi les gens ont-t-ils l'impression de payer plus d'impôt qu'en réalité? Entre autres parce qu'ils ne font pas la différence entre le taux marginal d’imposition et le taux moyen d’imposition. Les gens restent accroché au chiffre du taux marginal, alors que ce chiffre n'a qu'une importance secondaire.

Et cela démontre aussi que les gens accordent bien peu d'importance aux informations contenues dans leurs déclarations de revenus.


mercredi 26 septembre 2012

L'impôt des riches

Dans La Presse d'aujourd'hui (le 26 septembre 2012), André Pratte écrivait : « Les Québécois plus fortunés conviennent qu'ils doivent payer plus que leur part. Ils le font déjà de bonne grâce: ceux qui gagnent 100 000$ et plus, représentant 4% des contribuables, paient 33% des impôts prélevés par Québec. Toutefois, il y a une limite à ne pas franchir. »

Je cite Pratte, mais j’ai dû lire cette phrase au moins une dizaine de fois au cours des derniers jours.

Ces chiffres proviennent de la publication gouvernementale « Statistique fiscales des particuliers », qui présente diverses compilations tirées des déclarations de revenus des contribuables québécois. La dernière version est celle de l’année d’imposition 2009. Les voici :


Alors, pour commencer, les chiffres cités par Pratte sont rigoureusement exacts. Les contribuables dont le revenu total est de 100 000$ et plus représentent 4,1% des contribuables et paient 33,5% de l’impôt des particuliers.

Le problème, c’est que ces chiffres ne veulent rien dire. Pire, ils sont tendancieux : on laisse croire que si les riches ne « convenaient » que de payer « leur part », pour reprendre les termes d’André Pratte, ils n’auraient qu’à payer 4,1% de l’impôt, et que tout ce qui excède cette proportion n’est que générosité de leur part.

Sauf que l’impôt sur le revenu n’est pas un impôt per capita, un impôt dont le montant serait le même tous, peu importe le revenu (genre, la contribution-santé dont le PQ veut se débarrasser). Avec un tel impôt per capita, il serait juste que le 4,1% le plus riche paie 4,1% des revenus générés par un tel impôt. Mais ce n’est pas le cas.

L’impôt sur le revenu porte bien son nom : il s’agit d’un impôt sur le revenu.

Si ce 4,1% le plus riche gagnait 50% des revenus totaux, serait-il juste qu’il ne paie que 33% des impôts?

Alors, on le voit, il manque un chiffre. Alors, reprenons avec ce chiffre : les contribuables dont le revenu total est de 100 000$ et plus représentent 4,1% des contribuables, obtiennent 21,0% des revenus et paient 33,5% de l’impôt. Voilà un portrait plus juste.

Si l’impôt était complètement neutre (sans aucun élément de progressivité), ces contribuables paieraient 21,0% de l’impôt.

Or ils paient 33,5%. La progressivité de notre régime fiscale est visible.

D’ailleurs, pour avoir une autre illustration de cette progressivité, regardons les contribuables dont le revenu est inférieur à 25 000$ par année: ils représentent 47,4% des contribuables, obtiennent 16,0% des revenus et paient 2,4% de l’impôt total. Pas si mal, non?

Visuellement, voici ce que l'on obtient si on sépare les contribuables en trois groupes: les "moins de 50 000$", les "50 000$ à 99 999$" et les "plus de 100 000$".



Mais revenons aux « 100 000$ et plus » qui paient 33,5% de l’impôt. Et surtout aux « 250 000$ et plus », qui représentent 0,6% des contribuables, qui obtiennent 8,0% des revenus et qui paient 13,2% de l’impôt.

Peuvent-ils faire plus ? Doivent-ils faire plus ? Jusqu'à quel point? Le débat est là, mais il n'a pas vraiment lieu. Si ce débat avait eu lieu, les chiffres suivants auraient été présentés.



Il s'agit du même tableau que le premier, sauf que je ventile la catégorie « 100 000$ et plus » et j’ajoute une colonne « taux d’imposition moyen », soit l’impôt à payer en proportion du revenu total (à ne pas confondre avec le taux d’imposition marginal).

Autre signe de la progressivité de notre régime fiscal, plus on se situe dans une tranche de revenu total élevée, plus le taux d’imposition moyen augmente...

À une exception près : les « 250 000$ et plus ». En effet, le taux d’imposition moyen de cette tranche est inférieur à celui de la tranche précédente. Pourquoi? Est-ce normal ? Peut-être que l’effort devrait être là. Et c'est sur ces chiffres que l'on devrait débattre.

Et, à défaut de le faire pour assainir nos finances publiques, faisons-le par mesure d'équité.

Mais, peu importe la réforme que l’on imagine (et qui elle vise), elle ne devra jamais, absolument jamais, être rétroactive. C’est du moins mon opinion.



 

P.s.: Personnellement, j’ai toujours trouvé qu’il n’y avait pas assez de paliers d’imposition, au Québec comme au Canada. Imposer, à la marge, les revenus de 80 000$ et 800 000$ de la même façon, ça n’a pas de sens. Aux États-Unis, jusqu’au milieu des années 80, il y avait environ 15 paliers d'imposition. Dans les années 70, plus ou moins 25 paliers, dont le plus élevé représentait un taux d'imposition de 70% et prenait effet autour du revenu d’un million de dollars (en dollars d’aujourd’hui). Ainsi, à certains égards, je trouve l’initiative du PQ bienvenue, mais mal définie et mal ficelée.

mardi 11 septembre 2012

Un bref retour sur le revenu par quintile

Dans les précédents billets sur le revenu des familles, leur évolution et leur partage, j'ai abondamment utilisé le concept de quintiles. Selon une interprétation personnelle, et extrêmement simpliste*, j'en conviens, j'ai parfois renommé les quintiles ainsi:
- le quintile inférieur: les pauvres;
- les deuxième, troisième et quatrième quintiles: la classe moyenne;
- le quintile supérieur: les riches.

Plusieurs se sont demandés où ils se situaient. Alors, voici les limites inférieures et supérieures pour tous les quintiles de revenu, au Québec, en 2010.


On parle ici du "revenu total" par famille. Un petit rappel sur mon billet du 2 août, le "revenu total" est le revenu de toute provenance (y compris les transferts gouvernementaux mais avant déduction des impôts fédéral et provincial). Il est communément appelé le revenu avant impôt.

Le graphique se lit tout seul. Si votre revenu familial est de 58 401 $, vous faites mieux que 60% des familles québécoises. Et si, par exemple, votre revenu familial avant impôt est de 92 000 $, mes félicitations, vous faites partie des 20% les plus riches!

Et si certains s'intéressent aux données pour l'ensemble du Canada, les voici:


La différence par rapport au graphique précédent est qu'en raison des revenus plus élevés, les limites sont également plus élevées et ce, pour tous les quintiles. Par exemple, à l'échelle du Canada, il faut un revenu familial supérieur à 106 700$ pour se qualifier parmi les 20% les plus riches. Au Québec, on se qualifie ainsi à partir de 91 800$.



* Il s'agit d'une interprétation simpliste car:
  • Par construction, les familles pauvres représenteront toujours 20% du total, celles de la classe moyenne 60%, et les riches 20% du total. Impossible de mesurer ainsi la prévalence de la pauvreté, par exemple.
  • Un famille québécoise ayant un revenu de 35 000 $ par année fera parti de la "classe moyenne" indépendamment du nombre d'enfant, de l’âge de ceux-ci, etc.
Et la liste pourrait se poursuivre. En réalité, la pauvreté (et par le fait même la non-pauvreté) est très difficile à décrire, d'un point de vue statistique. C'est pourquoi on parle généralement de seuils de faible revenu (SFR), de mesures de faible revenu (MFR) ou de mesures du panier de consommation (MPC). J'y reviendrai peut-être un jour car, croyez-le ou non, c'est très intéressant!



vendredi 7 septembre 2012

Mythe: l'accession à la propriété

Une autre idée bien ancrée dans l'esprit de plusieurs, c'est que l'immobilier, ce n'est plus "achetable", que les prix des logements ont atteint des sommets tels que l'accessibilité à la propriété est compromise. Et que, surtout, tout était tellement plus facile il y a 30 ans, à l'époque où une maison valait 50 000$.

Vraiment? Si vous achetez votre maison ou votre appartement comptant, c'est vrai, mieux valait vivre en 1980. Si vous êtes toutefois comme la grande majorité et devez souscrire à une hypothèque, rien n'est plus faux.

Tout d'abord, voici le prix moyen des logements au Québec depuis 1980:


C'est vrai. Le prix moyen des logements au Québec a augmenté d'environ 50 000$ en 1980 à un peu plus de 250 000$ en 2011. Soit une augmentation de 500%.

Évidemment, sur cette période, le revenu des familles a également augmenté, mais à un rythme beaucoup plus lent, vous vous en doutez. De sorte que le ratio du prix des logements sur le revenu après impôt des familles a presque doublé. En 1980, le prix d'un logement représentait 2,8 fois le revenu moyen des familles québécoises. En 2011, ce ratio était de 4,8.


Mais voilà. Qui achète une maison, un appartement, comptant? À peu près tout le monde finance l'achat d'un logement en souscrivant à une hypothèque. Et les taux hypothécaires, eux, ne sont plus les mêmes qu'autrefois. D'un sommet de 19,0% en 1981, le taux des prêts hypothécaires (hypothèque fermée, 5 ans) était de 4,6% en 2011.

Vous croyez que c'est marginal comme facteur? Et bien, pas tellement. Sous une hypothèque de 25 ans à 5%, vous paierez en intérêts environ 75% la valeur du prêt, en plus de rembourser le prêt lui-même. Avec un taux de 10%, on parle alors de 168%. Et avec un taux de 15%, on est rendu à environ 275%. Exprimé autrement, sur un prêt hypothécaire de 100 000$, vous paierez 275 000$ en intérêts (en plus de rembourser le capital de 100 000$).

Ainsi, l'un dans l'autre (la hausse du prix des maisons et la baisse du coût des emprunts), on observe une hausse du coût des mensualités. Mais cette hausse a été moindre que la hausse du revenu après impôt des familles. De sorte que la proportion du revenu allant au paiement de l'hypothèque (capital et intérêts) est moindre aujourd'hui que dans les années 80.


En 1981, en 1982, en 1990, le remboursement de l'hypothèque accaparait 40% du revenu moyen des familles. Ce ratio a ensuite diminué pour atteindre un creux de 22,8% en 2001.

Depuis, il est vrai que ce ratio est reparti à la hausse mais, même 2011, nous sommes encore sous la moyenne des 31 dernières années.

Voilà peut-être pourquoi le taux de propriété des ménages québécois est passé de 56,4% en 1997 à 58,7% en 2007. Chez les 15 à 29 ans, ce taux est passé de 17,7% à 22,5% sur la même période.

Alors, que préférez-vous, mettre 35% de votre revenu sur l'hypothèque (moyenne 1980-1990) ou 27% (moyenne 2001-2011)?

Évidemment, je ne dis pas que la situation actuelle est saine. Les taux sont à des niveaux planchers et de là, ils ne peuvent que monter (quoique cette hausse sera graduelle et "limitée"). Ainsi, plusieurs familles sont vulnérables. D'ailleurs, la question de l'endettement hypothécaire est prise au sérieux par à peu près tous les intervenants concernés (Banque du Canada, gouvernement fédéral et la SCHL, gouvernements provinciaux, banques etc.)

Mais reste qu'aujourd'hui, contrairement à une idée généralement admise, l'achat d'un logement ne pèse pas plus lourd sur les finances d'une famille qu'au cours des trente dernières années.

Ce que sera demain, c'est autre chose.





P.s.: pour les sources et la méthodologie, contactez-moi (via les commentaires).


lundi 20 août 2012

L'intensité de la dernière récession

Les économies canadiennes et américaines, quoique très intégrées, demeurent distinctes. Chacune ayant ses particularités et ses excès. Or, il est plutôt fréquent de voir des gens (politiciens, journalistes, simples citoyens) transposer dans le contexte canadien ou québécois un discours relatif à la réalité américaine. Mais cela ne fonctionne pas toujours.

Par exemple, la dernière récession. Si il est vrai qu'aux États-Unis, cette récession était la pire des quarante dernières années, ce n'est absolument pas le cas au Canada. En fait, selon différents critères, c'est la récession la plus douce que nous ayons eu depuis les quarante dernières années.

En passant, on qualifie généralement une récession comme une phase de deux trimestres consécutifs de baisse absolue du PIB. Bien que simple et utile, ce critère est simpliste, voire déficient. Notamment parce qu'un fin de récession n'implique pas nécessairement une croissance économique: une fois la récession officiellement terminée, à quelle genre de reprise faisons-nous face?

Voici l'impact des dernières récessions sur le PIB au Canada. Le point de départ pour chacune des courbes est le somment avant la chute. Par exemple, pour la récession de 1981-82, le point de départ, qui vaut 100, est le premier trimestre de 1981.


On voit donc que la chute lors la récession de 2008-09 a été plus rapide que lors des précédentes récessions. Le retour à la croissance (sur le graphique, là où la courbe verte retrouve une pente positive) a eu lieu après seulement trois trimestres et c'est après huit trimestres que nous avons retrouvé notre niveau de richesse collective d'avant la récession (sur le graphique, là où la courbe verte repasse par-dessus la ligne "100").

La récession de 1981-82 a été plus profonde mais la remontée plus rapide que la récession de 1990-91, où la chute a été plus "superficielle" mais suivi d'une remontée longue et pénible. En effet, ce n'est qu'après 14 trimestres (trois ans et demi) que nous avons retrouvé notre niveau de PIB d'avant la récession. Trois ans et demi de perdu.

Maintenant, pour les États-Unis, qu'est-ce que ça dit:


Premièrement, on constate que la récession de 1990-91 a été peu profonde et relativement courte. Ensuite, la récession de 1980-82 en a été une en "W", soit une récession en deux coups (avec une rechute). Mais ce qui frappe dans ce graphique, c'est l'amplitude de la récession de 2007-09. Tout d'abord, la chute n'a pas été immédiate mais lorsqu'elle s'est concrétisée, elle a été plutôt violente. Et la reprise: constante, mais longue. Ce n'est qu'après seize trimestres (4 ans!) que le pays a retrouvé son niveau de richesse collective de la fin 2007.

Maintenant, le PIB n'est pas le seul critère possible. On peut aussi regarder l'impact des récessions et des reprises subséquentes sous l'angle de l'emploi. Voici donc l'évolution de l'emploi au Canada lors des dernières récessions.


L'analyse est à peu près la même que celle relative au PIB. En 1981-82, une chute violente suivie d'une reprise relativement vigoureuse. Un peu plus de trois ans de perdu. En 1990-91, chute plus superficielle mais plus longue et une reprise anémique. Environ quatre ans et demi de perdu. Et la dernière récession, chute rapide mais pas trop profonde, reprise respectable. Deux ans de perdu.

Maintenant, aux États-Unis:


Je crois que c'est avec ce graphique que l'on peut mesurer l'ampleur de la dernière récession aux États-Unis. Côté emploi, ils n'ont même pas retrouvé leur niveau d'avant la récession. Au rythme actuel, il ne semble pas que cela se produise avant les prochaines années. Et considérant que la population active (la population qui travaille ou qui cherche du travail), elle, poursuit sa croissance, on parlera peut-être d'une décennie perdue, rien de moins.

Bref, rien à voir avec la réalité canadienne.