lundi 20 août 2012

L'intensité de la dernière récession

Les économies canadiennes et américaines, quoique très intégrées, demeurent distinctes. Chacune ayant ses particularités et ses excès. Or, il est plutôt fréquent de voir des gens (politiciens, journalistes, simples citoyens) transposer dans le contexte canadien ou québécois un discours relatif à la réalité américaine. Mais cela ne fonctionne pas toujours.

Par exemple, la dernière récession. Si il est vrai qu'aux États-Unis, cette récession était la pire des quarante dernières années, ce n'est absolument pas le cas au Canada. En fait, selon différents critères, c'est la récession la plus douce que nous ayons eu depuis les quarante dernières années.

En passant, on qualifie généralement une récession comme une phase de deux trimestres consécutifs de baisse absolue du PIB. Bien que simple et utile, ce critère est simpliste, voire déficient. Notamment parce qu'un fin de récession n'implique pas nécessairement une croissance économique: une fois la récession officiellement terminée, à quelle genre de reprise faisons-nous face?

Voici l'impact des dernières récessions sur le PIB au Canada. Le point de départ pour chacune des courbes est le somment avant la chute. Par exemple, pour la récession de 1981-82, le point de départ, qui vaut 100, est le premier trimestre de 1981.


On voit donc que la chute lors la récession de 2008-09 a été plus rapide que lors des précédentes récessions. Le retour à la croissance (sur le graphique, là où la courbe verte retrouve une pente positive) a eu lieu après seulement trois trimestres et c'est après huit trimestres que nous avons retrouvé notre niveau de richesse collective d'avant la récession (sur le graphique, là où la courbe verte repasse par-dessus la ligne "100").

La récession de 1981-82 a été plus profonde mais la remontée plus rapide que la récession de 1990-91, où la chute a été plus "superficielle" mais suivi d'une remontée longue et pénible. En effet, ce n'est qu'après 14 trimestres (trois ans et demi) que nous avons retrouvé notre niveau de PIB d'avant la récession. Trois ans et demi de perdu.

Maintenant, pour les États-Unis, qu'est-ce que ça dit:


Premièrement, on constate que la récession de 1990-91 a été peu profonde et relativement courte. Ensuite, la récession de 1980-82 en a été une en "W", soit une récession en deux coups (avec une rechute). Mais ce qui frappe dans ce graphique, c'est l'amplitude de la récession de 2007-09. Tout d'abord, la chute n'a pas été immédiate mais lorsqu'elle s'est concrétisée, elle a été plutôt violente. Et la reprise: constante, mais longue. Ce n'est qu'après seize trimestres (4 ans!) que le pays a retrouvé son niveau de richesse collective de la fin 2007.

Maintenant, le PIB n'est pas le seul critère possible. On peut aussi regarder l'impact des récessions et des reprises subséquentes sous l'angle de l'emploi. Voici donc l'évolution de l'emploi au Canada lors des dernières récessions.


L'analyse est à peu près la même que celle relative au PIB. En 1981-82, une chute violente suivie d'une reprise relativement vigoureuse. Un peu plus de trois ans de perdu. En 1990-91, chute plus superficielle mais plus longue et une reprise anémique. Environ quatre ans et demi de perdu. Et la dernière récession, chute rapide mais pas trop profonde, reprise respectable. Deux ans de perdu.

Maintenant, aux États-Unis:


Je crois que c'est avec ce graphique que l'on peut mesurer l'ampleur de la dernière récession aux États-Unis. Côté emploi, ils n'ont même pas retrouvé leur niveau d'avant la récession. Au rythme actuel, il ne semble pas que cela se produise avant les prochaines années. Et considérant que la population active (la population qui travaille ou qui cherche du travail), elle, poursuit sa croissance, on parlera peut-être d'une décennie perdue, rien de moins.

Bref, rien à voir avec la réalité canadienne.






jeudi 9 août 2012

Fait divers #1

Selon la Banque du Canada, un commerçant peut-il légalement refuser des billets de 50 ou 100$?

Oui! Le mode de paiement (comptant, débit ou crédit) utilisé dans une transaction constitue une entente privée entre l’acheteur et le vendeur. Ils ont tous les deux le droit d’accepter ou de refuser un billet de banque lorsqu’ils acceptent un paiement ou reçoivent de la monnaie.

Certaines entreprises pensent se protéger contre la contrefaçon en refusant les grosses coupures, mais elles ne se rendent peut-être pas compte que les fraudeurs ciblent toutes les coupures.

Il existe d'autres raisons pour lesquelles un détaillant peut décider de refuser des billets (sécurité de commerces ouverts 24 heures sur 24; préservation du fonds de caisse).


So-so-so, solidarité!

Un petit message très court, au moment où je n'ai pas tellement de temps à investir dans ce blogue.
Je voulais simplement mettre des chiffres sur ce que tout le monde sait "intuitivement" à propos des syndicats:
- Au Québec, la couverture syndicale est plus grande que dans l'ensemble du Canada (39% vs 31%);
- Les employés du secteur public sont, dans leur grande majorité, syndiqués (81% au Québec);
- Les employés du secteur privé ne sont pas, dans leur grande majorité, syndiqués (25% au Québec);
- Si la couverture syndicale est plus grande dans le secteur de la production des biens (vs celles des services) au Québec, ce n'est pas le cas pour l'ensemble du Canada.



Et côté salaire, quelles sont les répercussions? Voici le salaire horaire moyen des employés en 2011, selon la couverture syndicale. Fait intéressant à noter, l'écart salariale entre les hommes et les femmes est plus faible lorsqu'il y a présence d'un syndicat (au Québec: 1,06$ d'écart entre les hommes et les femmes syndiqués vs 3,68$ d'écart entre les hommes et les femmes non-syndiqués).





lundi 6 août 2012

Les revenus: vrai ou faux


S’il existe un sujet sur lequel tout le monde a une opinion, c’est bien celui du revenu des familles. Malheureusement, les débats qui peuvent en découler s’appuient plus souvent sur des impressions, des idées reçus ou des témoignages particuliers que sur des chiffres ou des faits.

J’ai passé les derniers jours à présenter des chiffres provenant de la publication « Le revenu au Canada » de Statistique Canada. Maintenant, si je peux me permettre, je vais résumer le tout sous la forme de vrai ou faux.

Comme depuis le début, il est question ici du revenu familial. À moins d’indications contraires, je fais référence au revenu après impôt au Québec. Et aussi, j’ai une tendance à parler de 2010 comme étant « aujourd’hui ».

Il existe des inégalités dans les revenus.
Vrai. Tous les quintiles n’ont pas la même part de la tarte. Ceci étant dit, en plus d’être incontournable, une certaine inégalité est souhaitable. Je ne crois pas qu’une société où tous auraient exactement le même revenu, qu’ils soient retraités, chirurgiens, étudiants, caissiers, PDG, assistés sociaux, etc. pourrait fonctionner. La question qu'il faut se poser ici est : jusqu’où les inégalités sont-elles justes, et quand deviennent-elles excessives et démesurées? Je ne réponds pas à la question.

Les inégalités sont pires aujourd’hui qu’il y a trente ans.
Plutôt faux. Comme on l’a vu il y a quelques jours, le partage de la « tarte » est sensiblement le même en 2010 qu’en 1980. Sur 30 ans, les pauvres ont maintenu leur part et les riches l’ont augmenté de 4% au profit de la classe moyenne. En 1980, le revenu moyen du quintile supérieur était 7,6 fois celui du quintile inférieur. Trente ans plus tard, on en est à 8,2.

Les inégalités sont moindres au Québec que dans l’ensemble du Canada.
Faux. En 2010, la tarte était partagée de la même façon (à 1% près).

Les riches sont plus riches dans l’ensemble du Canada qu’au Québec.
Vrai. Mais ceci n'est pas seulement vrai des riches. C'est aussi vrai pour les premier, deuxième, troisième et quatrième quintiles. D’où une répartition de la richesse comparable à celle du Québec (voir le point précédent).

Les Québécois s’appauvrissent par rapport à l’ensemble du Canada.
Vrai. La tendance depuis 30 ans est indéniable. Mais ce n’est pas tant dû au fait que les revenus diminuent au Québec, mais qu’ils augmentent plus vite ailleurs.

Les impôts n’ont jamais été aussi élevés.
Faux. En proportion du revenu total, les impôts ont atteint un maximum en 1998 (21,6% du revenu total). Et en dollars, le maximum a été atteint en 2000.

Les baisses d’impôt ont bénéficiés à tous.
Faux. Il semble que le quintile inférieur n’ait pas bénéficié des baisses d’impôt. Mais je ne m’avance pas trop étant donné la mauvaise qualité des données pour cette série (celle de l’impôt moyen sur le revenu du quintile inférieur).

Le gouvernement joue son rôle « redistributif ».
Vrai. Encore une fois, on pourra argumenter sur l’ampleur du rôle à jouer. Mais on ne peut pas nier que l’action du gouvernement réduit les écarts. De deux façons, en donnant (via les programmes sociaux) et en prenant (via l’impôt). Les trois premiers quintiles reçoivent globalement plus du gouvernement que ce qu’ils donnent. Seuls les riches, et dans une moindre mesure le quatrième quintile, sont « perdants » de leurs échanges avec le gouvernement.

Aussi, au niveau des revenus du marché, le revenu des riches est 24 fois celui des pauvres. Après les transferts gouvernementaux, le revenu des riches est 10 fois celui des pauvres. Et après les impôts, le revenu des riches est 8 fois celui des pauvres.

Ce rôle « redistributif » était plus fort il y a 10 ans (en 2000).
Vrai et faux, selon que l'on voit le verre à moitié plein ou à moitié vide.
Vrai car en 2000, le paragraphe précédent se serait lu comme suit : au niveau des revenus du marché, le revenu des riches est 32 fois celui des pauvres. Après les transferts gouvernementaux, le revenu des riches est 11 fois celui des pauvres. Et après les impôts, le revenu des riches est 8 fois celui des pauvres. Donc l’action du gouvernement était plus agressive.
Et faux, car en 2000 comme en 2010, le résultat final (revenu des riches étant 8 fois celui des pauvres) est le même.

La baisse des transferts gouvernementaux a d’abord touché les pauvres.
Vrai. La baisse a surtout touché les deux premiers quintiles, qui ont vu les transferts gouvernementaux en proportion du revenu total baisser de 10% entre le maximum des années 90 et maintenant, alors qu’ils sont demeurés relativement inchangés pour les autres.

Les riches ne paient leur juste part d’impôt.
Je ne tomberai pas dans mon propre piège. Il faut voir ce que l’on entend par « juste part ». Ce que les chiffres montrent, c’est que le quintile supérieur, les 20% les plus riches, reçoivent 46% des revenus et paient 61% de l’impôt. C’est le seul quintile dont la part de l’impôt est supérieure à celle du revenu. Ce n’est pas rien. Mais est-ce assez ?

Globalement, les revenus après impôt ont stagné depuis 30 ans.
Vrai et faux. Ils ont régressé pour tout le monde entre 1980 et 1997. Ensuite ils ont augmenté pour tout le monde entre 1997 et 2010. L’un dans l’autre, ils ont augmenté de 8%. Mais pas également. De sorte que :

Entre 1980 et 2010, les revenus après impôt de la classe moyenne n’ont pas évolué.
Vrai. Ils ont augmenté légèrement pour la classe moyenne inférieure (le deuxième quintile) et la classe moyenne supérieur (le quatrième quintile) de respectivement 3% et 2%. Le cœur de la classe moyenne (le troisième quintile) a effectivement son revenu diminué de 3%.

Les pauvres s’appauvrissent.
Faux. Le revenu des pauvres a augmenté de 10%, soit mieux que la moyenne (8%).

Les riches s’enrichissent.
Vrai. Le revenu des riches a augmenté de 18%, soit plus que deux fois la moyenne (8%).




Et quelles sont vos observations?

samedi 4 août 2012

Les revenus et leur évolution


Au cours des derniers jours, j’ai parlé du partage de la richesse, de nos revenus, de ce que le gouvernement donne et prend. Afin de compléter sur ce thème, je ne peux pas passer par dessus l’évolution des revenus au cours des dernières décennies (et aussi parce que des questions m’ont été posées sur le sujet).

Alors, comment les revenus des familles évoluent-ils? La perception la plus largement répandue semble être que les revenus ne suivent pas le coût de la vie. Or, cette perception est contredite par les chiffres… ou presque :



Entre 1980 et 2010, les revenus après impôt ont augmenté pour tout le monde, sauf le cœur de la classe moyenne (le troisième quintile) qui a vu son revenu diminuer de 3%. Sinon, les riches (quintile supérieur) s’en sont bien tirés, avec une hausse de 18%. Les pauvres (quintile inférieur) aussi, avec une hausse de 10%. À l’échelle de l’ensemble des unités familiales, la hausse a été de 8% sur 30 ans.

Détail important: les calculs sont basés sur des dollars constants de 2010. Donc, la hausse de prix est déjà prise en compte dans ces variations; toutes les variations dues à l'inflation sont éliminées. Ou en d’autres mots, il s’agit d’une hausse de 8% en plus de l’augmentation des prix.

Maintenant, entre 1980 et 2010, la tendance n’est pas constante. En fait, un revirement majeur a eu lieu en 1997 (encore!). Voici un autre graphique, qui montre la variation du revenu après impôt entre 1980 et 1997, puis entre 1997 et 2010.



Ainsi, entre 1980 et 1997 (en bleu), tout le monde est perdant. D’une perte de 21% pour le troisième quintile à une perte de 11% pour les pauvres à une perte de 9% pour les riches.

Et entre 1997 et 2010 (en rouge), tout le monde est gagnant. D’une hausse de 21% pour le quatrième quintile à une hausse de 23% pour les pauvres et une hausse de 29% pour les riches.

L’un dans l’autre (en vert), ça donne le premier graphique.

Reste que cette idée que depuis 1997, les revenus après impôt ont augmenté de plus de 20% pour tous, demeure contre-intuitive.

Si vous voulez mon avis sur le sujet, le voici : les prix ont augmenté, les salaires encore plus. Mais il y a quelque chose qui a augmenté encore plus que les prix et les salaires: les besoins. Et ça nous ramène au consumérisme. Si certains (nouveaux) besoins sont plus que justifiés, d’autres peuvent être jugés superflus. Par exemple, un ordinateur et l’internet haute vitesse qui vient avec, en 2012, ce n’est pas un luxe. D’autres de ces (nouveaux) besoins sont peut-être plus discutables : iPod et/ou iPad, la 2e ou même 3e voiture (de plus en plus grosse par ailleurs) et la consommation d’essence qui augmente (en litre) année après année après année…


Un dernier graphique:



Voici l’évolution de nos revenus (avant et après impôt) par rapport à la moyenne canadienne. En 1980, le revenu après impôt au Québec représentait 92% du revenu canadien après impôt. En 2010, cette proportion était descendue à 85%.

On observe une diminution quasi-constante depuis 1980. « Quasi » puisque la tendance à la baisse s’est arrêtée vers 1999. On a alors assisté à une remontée, pour voir la baisse reprendre en 2004.

Il s’agit ici du revenu québécois en proportion du revenu canadien. La baisse n’est pas due au fait que le revenu a diminué au Québec, mais plutôt due au fait que le revenu a augmenté au Canada plus rapidement qu’au Québec.





vendredi 3 août 2012

Les revenus et le gouvernement

Dans la continuité des deux derniers messages, revenons un peu plus en profondeur sur ce que le gouvernement donne et ce que le gouvernement prend.

Tout d'abord, les transferts gouvernementaux, c'est l'argent que le gouvernement donne: l’assurance-emploi, le Régime de pensions du Canada et le Régime de rentes du Québec, la Sécurité de la vieillesse, le supplément de revenu garanti, l’assistance sociale, la Prestation fiscale canadienne pour enfants et divers programmes provinciaux.

En pourcentage du revenu, que représentent ces transferts?


Sans surprise, on voit que les transferts gouvernementaux représentent plus de 50% du revenu des pauvres (quintile inférieur) et environ 5% du revenu des riches (quintile supérieur).

Ce qui est intéressant ici, c'est l'évolution. Ces transferts ont suivi une tendance à la hausse jusqu'en 1993. La hausse a été particulièrement impressionnante pour le deuxième quintile: ces transferts sont passés de 21% du revenu à 47% en moins de 20 ans. Mais, un virage s'effectue en 1997.

L'importance des transferts diminue alors pour à peu près tout le monde; les premier et deuxième quintiles sont les plus durement touchés.

Les choses se sont stabilisés depuis et nous observons même une légère hausse au cours des dernières années.

En passant, il faut faire attention ici. Nous regardons les transferts en proportion du revenu. Deux choses peuvent faire diminuer cette proportion: une baisse des transferts ou une hausse du revenu. Inversement, deux choses peuvent faire augmenter cette proportion: une hausse des transferts ou une baisse du revenu.


Ensuite, il y a aussi ce que le gouvernement prend: l'impôt. Je parle ici au singulier, mais je désigne le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. Voici ce que représente l'impôt, toujours en pourcentage du revenu:


On parle ici du taux moyen d'imposition, et non du taux marginal d'imposition, alors ne vous attendez pas à voir des chiffres de l'ordre de 45-50%. De plus, il s'agit de l'impôt payé après les déductions fiscales et les crédits d'impôt.

Ainsi, jusqu'en 1998, la tendance était clairement à la hausse pour nos deux quintiles les plus riches et le troisième dans une moindre mesure. Et arrive 1998. La rupture est très claire. Depuis, la tendance est la même pour tous: les impôts, en proportion des revenus, diminuent année après année...

Sauf pour le quintile inférieur. Mais il faut faire preuve de prudence ici. La plupart des données relatives au quintile inférieur avaient des coefficients de variation de plus de 16%, ce qui veut dire que ces données doivent être utilisées avec grande prudence. Je crois que les "vraies" valeurs se situent entre 3% et 4%, comme par le passé. Bref, pas d'augmentation, mais pas de diminution non plus.

En regardant ces deux graphiques, il n'y a pas de doute qu'un changement de paradigme est survenu lors de la deuxième moitié des années 90. Dorénavant, le gouvernement prendra moins et donnera moins.





jeudi 2 août 2012

Les revenus et leur partage #2

Hier, j'ai sommairement exposé qui obtient quelle part de la richesse. Tous les chiffres présentés faisaient référence au revenu des familles après impôt.

Mais avant que la progressivité de l'impôt n'amoindrisse les différences entre les différents quintiles, à combien (car on a ici des montants en dollars et non des pourcentages) s'élèvent les revenus de chaque quintile?


Bon, je n'ai pas le choix ici de donner quelques définitions.
Le revenu du marché, c'est la somme du revenu d'emplois (travail salarié ou montant net de travail autonome), du revenu de placements, du revenu de retraite (régime privé de pension) et des éléments compris dans autre revenu.
Le revenu total, c'est le revenu du marché auquel on ajoute les transferts gouvernementaux.
Et, le revenu après impôt, c'est le revenu total auquel on soustrait l'impôt sur le revenu.

Alors, on voit par exemple que les familles du premier quintile n'obtiennent que 5 600$ "sur le marché". Les transferts gouvernementaux augmentent ce revenu à 14 900$, avant d'en soustraire 1 200$ en impôt, laissant les familles du quintile inférieur avec 13 700$ par année en moyenne.

À l'autre bout, les familles du quintile supérieur obtiennent 136 100$ "sur le marché". S'y ajoutent 7 200$ en transferts gouvernementaux. Et finalement, l'impôt va chercher 30 900$ pour laisser ces familles avec 112 400$ par année en moyenne.

En regardant le graphique précédent, on peut voir que les familles des trois premiers quintiles sortent gagnants de leurs échanges avec le gouvernement: ils reçoivent plus en transferts gouvernementaux qu'ils ne paient d'impôt à ce même gouvernement. Ces échanges sont presque neutres pour le quatrième quintile. Et le quintile supérieur, pour sa part, est "désavantagé" par ses échanges avec le gouvernement: il paie 23 700$ de plus au gouvernement que ce qu'il reçoit. En passant, il n'y aucun jugement de valeur dans ce paragraphe; et je ne prétends évidemment pas que les échanges avec le gouvernement doivent être un jeu à somme nulle pour tout le monde, pauvre ou riche.

Alors, justement, qui paie quelle part de l'impôt?


(Je m'excuse si les totaux n'arrivent pas toujours à 100%; c'est dû aux arrondissements).

Donc, le quintile supérieur, qui représente 20% des unités familiales, s'accapare 46% du revenu total et paie 61% de l'impôt. Les quatre autres quintiles, qui représentent 80% des unités familiales, obtiennent 55% du revenu total et paient 40% des impôts.

La progressivité de notre régime d'imposition est visiblement réelle. Encore une fois, certains diront que ce régime n'est pas assez progressif, d'autres diront qu'il l'est trop... Et d'autres diront que le problème survient avant, au niveau de la distribution de la richesse. Je ne donne pas mon opinion sur le sujet. Pas aujourd'hui en tout cas.



mercredi 1 août 2012

Les revenus et leur partage #1

Hier soir, lors d'une discussion, la question de la répartition de la richesse dans la société a été évoquée. L'un des interlocuteurs a manifesté son désir d'avoir les chiffres, et de savoir qui obtient quelle part de la tarte. Et bien, les voici!

J'utilise ici le revenu après impôt des familles, par quintile. Pour obtenir des quintiles, on classe tous les unités familiales selon leur revenu, du plus faible au plus élevé. Puis, on divise le tout en cinq groupes comprenant un nombre égal d'unités. Le quintile inférieur contiendra le 20% dont le revenu est le moins élevé. Et le quintile supérieur, le 20% dont le revenu est le plus élevé.

Au Québec, en 2010, ça donne ça:


Le quintile inférieur, dont le revenu moyen après impôt est de 13 700$, obtient 5% de la tarte. Le quintile supérieur, dont le revenu moyen après impôt est de 112 400$, s'en accapare 43%. Par ailleurs, les trois quintiles du milieu, qui représentent évidemment 60% des unités familiales, obtiennent 52% de la tarte.

Évidemment, on voit que certaines parts sont plus grandes que 20%, et d'autres sont plus petites.

Maintenant, quelle serait la réalité derrière la tarte suivante?


C'est le genre de tarte que l'on verrait dans une société complètement égalitaire. Chaque 20% de la population aurait exactement 20% de la richesse. Et tous les unités familiales auraient le même revenu (exactement le même revenu), que ces unités familiales soient composées de retraités, de chirurgiens, d'étudiants, de caissiers, de PDG, d'assistés sociaux, de joueurs de hockey, etc.

Je vous laisse à votre réflexion sur ce que vous jugez équilibré ou souhaitable: le premier cas de figure, le deuxième, un entre-deux, ou encore la quatrième option (plus d'inégalités).

La première tarte donne les chiffres pour le Québec en 2010.
Question: c'était comment il y a trente ans? Réponse: relativement pareil.


Entre 1980 et 2010, le quintile supérieur est allé chercher 4% de plus. Auprès de qui? Des deuxième (1%), troisième (2%) et quatrième (1%) quartiles. Les revenus (en dollars constants, éliminant ainsi les variations dues à l'inflation) ont augmenté pour tous, sauf le troisième quintile. Je rappelle ici que l'on parle toujours du revenu après impôt.

En 1980, le revenu moyen du quintile supérieur était 7,6 fois celui du quintile inférieur. Trente ans plus tard, on en est à 8,2. Personnellement, avant de voir les chiffres, je m'attendais à pire.

Maintenant, qu'en est-il du Canada. Le Québec est-il plus égalitaire que le Canada? Voici l'équivalent de la première tarte, pour le Canada:


Tout en observant des revenus plus élevés (de 7% à 21%, selon le quintile), le partage de la tarte est quasiment identique à ce que l'on observe au Québec. Toutefois, le revenu moyen du quintile supérieur est 9,3 fois celui du quintile inférieur.

Alors, voilà FD, j'espère que ça répond à ta question.