S’il
existe un sujet sur lequel tout le monde a une opinion, c’est bien celui du
revenu des familles. Malheureusement, les débats qui peuvent en découler
s’appuient plus souvent sur des impressions, des idées reçus ou des témoignages
particuliers que sur des chiffres ou des faits.
J’ai passé les derniers jours à présenter des
chiffres provenant de la publication « Le revenu au Canada » de
Statistique Canada. Maintenant, si je
peux me permettre, je vais résumer le tout sous la forme de vrai ou faux.
Comme depuis le début, il est question ici du revenu familial. À moins d’indications contraires, je fais
référence au revenu après impôt au Québec. Et aussi, j’ai une tendance à parler de
2010 comme étant « aujourd’hui ».
Il
existe des inégalités dans les revenus.
Vrai. Tous les quintiles n’ont pas la même
part de la tarte. Ceci étant dit, en plus d’être incontournable, une certaine
inégalité est souhaitable. Je ne crois pas qu’une société où tous auraient exactement
le même revenu, qu’ils soient retraités, chirurgiens, étudiants, caissiers,
PDG, assistés sociaux, etc. pourrait fonctionner. La question qu'il faut se poser ici
est : jusqu’où les inégalités sont-elles justes, et quand deviennent-elles
excessives et démesurées? Je ne réponds pas à la question.
Les
inégalités sont pires aujourd’hui qu’il y a trente ans.
Plutôt faux. Comme on l’a vu il y a quelques
jours, le partage de la « tarte » est sensiblement le même en 2010
qu’en 1980. Sur 30 ans, les pauvres ont maintenu leur part et les riches
l’ont augmenté de 4% au profit de la classe moyenne. En 1980, le revenu moyen
du quintile supérieur était 7,6 fois celui du quintile inférieur. Trente ans
plus tard, on en est à 8,2.
Les
inégalités sont moindres au Québec que dans l’ensemble du Canada.
Faux. En 2010, la tarte était partagée de la
même façon (à 1% près).
Les
riches sont plus riches dans l’ensemble du Canada qu’au Québec.
Vrai. Mais ceci n'est pas seulement vrai des riches. C'est aussi vrai pour les premier, deuxième, troisième et quatrième quintiles. D’où
une répartition de la richesse comparable à celle du Québec (voir le point
précédent).
Les
Québécois s’appauvrissent par rapport à l’ensemble du Canada.
Vrai. La tendance depuis 30 ans est
indéniable. Mais ce n’est pas tant dû au fait que les revenus diminuent au
Québec, mais qu’ils augmentent plus vite ailleurs.
Les
impôts n’ont jamais été aussi élevés.
Faux. En proportion du revenu total, les
impôts ont atteint un maximum en 1998 (21,6% du revenu total). Et
en dollars, le maximum a été atteint en 2000.
Les
baisses d’impôt ont bénéficiés à tous.
Faux. Il semble que le quintile inférieur
n’ait pas bénéficié des baisses d’impôt. Mais je ne m’avance pas trop étant
donné la mauvaise qualité des données pour cette série (celle de l’impôt moyen
sur le revenu du quintile inférieur).
Le
gouvernement joue son rôle « redistributif ».
Vrai. Encore une fois, on pourra argumenter
sur l’ampleur du rôle à jouer. Mais on ne peut pas nier que l’action du
gouvernement réduit les écarts. De deux façons, en donnant (via les programmes
sociaux) et en prenant (via l’impôt). Les trois premiers quintiles reçoivent
globalement plus du gouvernement que ce qu’ils donnent. Seuls les riches, et
dans une moindre mesure le quatrième quintile, sont « perdants » de
leurs échanges avec le gouvernement.
Aussi, au niveau des revenus du marché, le
revenu des riches est 24 fois celui des pauvres. Après les transferts
gouvernementaux, le revenu des riches est 10 fois celui des pauvres. Et après
les impôts, le revenu des riches est 8 fois celui des pauvres.
Ce rôle
« redistributif » était plus fort il y a 10 ans (en 2000).
Vrai et faux, selon que l'on voit le verre à moitié plein ou à moitié vide.
Vrai car en 2000, le paragraphe
précédent se serait lu comme suit : au niveau des revenus du marché, le
revenu des riches est 32 fois celui des pauvres. Après les transferts
gouvernementaux, le revenu des riches est 11 fois celui des pauvres. Et après
les impôts, le revenu des riches est 8 fois celui des pauvres. Donc l’action du
gouvernement était plus agressive.
Et faux, car en 2000 comme en 2010, le résultat final (revenu des
riches étant 8 fois celui des pauvres) est le même.
La
baisse des transferts gouvernementaux a d’abord touché les pauvres.
Vrai. La baisse a surtout touché les deux
premiers quintiles, qui ont vu les transferts gouvernementaux en proportion du
revenu total baisser de 10% entre le maximum des années 90 et maintenant, alors
qu’ils sont demeurés relativement inchangés pour les autres.
Les
riches ne paient leur juste part d’impôt.
Je ne tomberai pas dans mon propre piège. Il
faut voir ce que l’on entend par « juste part ». Ce que les chiffres
montrent, c’est que le quintile supérieur, les 20% les plus riches, reçoivent
46% des revenus et paient 61% de l’impôt. C’est le seul quintile dont la part
de l’impôt est supérieure à celle du revenu. Ce n’est pas rien. Mais est-ce
assez ?
Globalement,
les revenus après impôt ont stagné depuis 30 ans.
Vrai et faux. Ils ont régressé pour tout le
monde entre 1980 et 1997. Ensuite ils ont augmenté pour tout le monde entre
1997 et 2010. L’un dans l’autre, ils ont augmenté de 8%. Mais pas également. De
sorte que :
Entre
1980 et 2010, les revenus après impôt de la classe moyenne n’ont pas évolué.
Vrai. Ils ont augmenté légèrement pour la
classe moyenne inférieure (le deuxième quintile) et la classe moyenne supérieur
(le quatrième quintile) de respectivement 3% et 2%. Le cœur de la classe
moyenne (le troisième quintile) a effectivement son revenu diminué de 3%.
Les
pauvres s’appauvrissent.
Faux. Le revenu des pauvres a augmenté de 10%,
soit mieux que la moyenne (8%).
Les
riches s’enrichissent.
Vrai. Le revenu des riches a augmenté de 18%,
soit plus que deux fois la moyenne (8%).
Et quelles sont vos observations?
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